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Une coalition réclame l’abandon du projet de loi fédéral sur les crimes haineux

Ces groupes prétendent que le projet de loi C-9 donne trop de pouvoirs à la police.

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Le ministre de la Justice, Sean Fraser, en conférence de presse à Ottawa, le 23 octobre 2025. Une coalition formée de groupes de défense des libertés civiles, d’associations communautaires et de syndicats demande au gouvernement libéral de retirer so... Le ministre de la Justice, Sean Fraser, en conférence de presse à Ottawa, le 23 octobre 2025. Une coalition formée de groupes de défense des libertés civiles, d’associations communautaires et de syndicats demande au gouvernement libéral de retirer son projet de loi sur les crimes haineux. LA PRESSE CANADIENNE/Spencer Colby (Spencer Colby)

Une coalition formée de groupes de défense des libertés civiles, d’associations communautaires et de syndicats demande au gouvernement libéral fédéral de retirer son projet de loi sur les crimes haineux.

Tim McSorley, de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC), a déclaré qu’«un examen plus approfondi du projet de loi soulève de sérieuses inquiétudes quant aux menaces qui pèsent sur la liberté d’expression, la liberté de réunion et la capacité du public à manifester et à exprimer son désaccord».

Il a fait ces commentaires lors d’une conférence de presse tenue mercredi sur la colline du Parlement, aux côtés de représentants de l’Alliance de la fonction publique du Canada, du Conseil canadien des affaires publiques musulmanes et de Voix juives indépendantes.

Ces groupes prétendent que le projet de loi C-9 donne trop de pouvoirs à la police et pourrait criminaliser les manifestations.

D’autres événements médiatiques organisés par la coalition étaient prévus à Mississauga et à London, en Ontario, ainsi qu’à Vancouver et à Edmonton.

Le ministre de la Justice, Sean Fraser, a déposé le projet de loi C-9 plus tôt cette année à la suite des inquiétudes exprimées pendant des mois concernant la montée des tensions dans les communautés canadiennes en raison des manifestations publiques, dont plusieurs ont été déclenchées par les hostilités au Moyen-Orient depuis le 7 octobre 2023.

Ce projet de loi concrétise une promesse faite par le premier ministre Mark Carney lors des élections du printemps, soit celle d’adopter des lois criminalisant l’obstruction ou l’intimidation intentionnelle de personnes dans les lieux de culte, les écoles et les centres communautaires.

Plusieurs municipalités canadiennes ont récemment pris des mesures pour établir des «zones de protection» limitant les manifestations à proximité de lieux comme des édifices religieux, des écoles et des garderies.

Statistique Canada a rapporté une forte augmentation des crimes haineux signalés à la police en 2023, avec 4777 incidents recensés, comparativement à 3612 en 2022.

Le projet de loi C-9 vise à modifier le Code criminel afin de définir la «haine» en droit criminel pour la première fois, codifiant ainsi une définition issue de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. Cette définition stipule que la haine implique la «détestation» ou la «diffamation».

Le projet de loi créerait également une nouvelle infraction au Code criminel pour intimidation visant à dissuader une personne d’accéder à un lieu de culte ou de culture, ainsi qu’une nouvelle infraction pour entrave intentionnelle à l’accès légal à ces lieux.

Il érigerait en infraction criminelle le fait de promouvoir délibérément la haine par l’utilisation de symboles haineux. Cette désignation s’appliquerait à deux symboles nazis, aux symboles d’entités terroristes désignées ou à des symboles qui leur ressemblent fortement.

M. McSorley s’inquiète de cette disposition.

«Par exemple, la présence d’une inscription arabe sur une pancarte, qu’un policier juge suffisamment similaire à une inscription figurant sur des images utilisées par une entité terroriste répertoriée, suffirait-elle à justifier l’arrestation d’un individu?», a-t-il demandé.

Des critères «vagues et subjectifs»

Dans un communiqué de presse, la coalition indique que le projet de loi introduit des «critères vagues et subjectifs qui rendent les manifestants vulnérables aux accusations d’intimidation, d’entrave ou d’incitation à la haine – des infractions passibles de peines allant jusqu’à dix ans d’emprisonnement».

La coalition dit que cela signifie qu’«un manifestant pacifique pourrait être criminalisé simplement parce qu’une personne tentant d’accéder à un certain type de bâtiment prétend avoir peur».

Le projet de loi est actuellement examiné par le Comité permanent de la justice de la Chambre des communes, qui a entamé le processus d’examen article par article permettant d’y apporter des amendements.

Les libéraux devraient appuyer une motion du Bloc québécois visant à supprimer l’exemption pour motif religieux concernant les discours haineux dans le Code criminel.

Bien que cette perspective ait suscité une controverse politique ces derniers jours, on ignore si cette exemption a déjà été utilisée au Canada. Certains membres de la coalition se sont prononcés contre l’amendement proposé lors de la conférence de presse, mais aucun n’a pu citer de cas où l’exemption pour motif religieux aurait joué un rôle.

Pour appuyer l’amendement, le Bloc québécois cite le cas de l’imam montréalais Adil Charkaoui, qui, en 2023, a demandé à Dieu de «s’occuper des agresseurs sionistes», selon une traduction obtenue à l’époque par La Presse Canadienne.

Lorsque le bureau du procureur de la Couronne du Québec a refusé de porter des accusations dans cette affaire, il n’a pas invoqué l’exemption religieuse. Dans un communiqué publié en mai 2024, il a affirmé ne pas pouvoir prouver hors de tout doute raisonnable que la déclaration incitait à la haine contre un groupe identifiable.

Anja Karadeglija

Anja Karadeglija

Journaliste