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Gull-Masty promet de réformer la Loi sur les Indiens, mais veut voir plus large

La ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty, s’est adressée aux chefs mercredi.

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La ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty, à la période des questions à la Chambre des communes, à Ottawa, le 5 novembre 2025. Elle a déclaré mercredi à des centaines de chefs réunis à Ottawa qu'elle s'engageait à réformer le statut ... La ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty, à la période des questions à la Chambre des communes, à Ottawa, le 5 novembre 2025. Elle a déclaré mercredi à des centaines de chefs réunis à Ottawa qu'elle s'engageait à réformer le statut des Premières Nations en vertu de la Loi sur les Indiens. LA PRESSE CANADIENNE/Adrian Wyld (Adrian Wyld)

Le premier ministre Mark Carney a rencontré mercredi, sur la colline du Parlement, des chefs représentant les traités numéros 6, 7 et 8. Ces derniers se sont montrés ouverts à l’idée d’une participation des Premières Nations à la propriété d’un pipeline, quelques jours après la signature d’un protocole d’entente avec l’Alberta ouvrant la voie à la construction d’un pipeline jusqu’à la côte de la Colombie-Britannique.

Le chef de la Nation Piikani, Troy Knowlton, s’adressant aux journalistes devant le lieu de la rencontre avec M. Carney, a déclaré que les Premières Nations doivent avoir un rôle à jouer dans tout projet proposé sur leurs terres.

«Nous ne sommes pas contre la croissance économique ni contre les retombées positives pour la région, notre peuple et l’ensemble de la population», a affirmé M. Knowlton.

Ce à quoi il s’oppose, ce sont les atteintes à l’environnement et les risques pour la santé liés à la destruction des cours d’eau.

«Mais si nous sommes de véritables copropriétaires, nous pourrons alors répondre à nos préoccupations: la santé et la sécurité environnementales, l’emploi et la reconnaissance des territoires ancestraux des Premières Nations de la région», a expliqué le chef représentant une Première Nation du sud de l’Alberta.

Un accord conditionnel

L’accord entre Ottawa et l’Alberta engage les deux gouvernements à œuvrer à la construction d’un oléoduc jusqu’à la côte ouest et ouvre la voie à des modifications de l’interdiction de la navigation côtière des pétroliers.

L’accord stipule que l’engagement d’Ottawa est conditionnel à l’approbation de l’oléoduc comme projet d’intérêt national et à la réalisation, dans le cadre de ce projet, de «possibilités de copropriété pour les Autochtones et de partage des retombées économiques».

Malgré cette promesse vague de copropriété pour les Autochtones, aucun chef des Premières Nations n’a été consulté quant au contenu du protocole d’entente, pas même ceux, comme M. Knowlton, qui y sont favorables.

La rencontre entre Mark Carney et les chefs a eu lieu le lendemain du vote unanime des chefs, réunis en assemblée spéciale de l’Assemblée des Premières Nations (APN), rejetant l’accord et demandant au gouvernement fédéral de maintenir l’interdiction de la navigation côtière des pétroliers.

L’Alberta n’a pas de représentant régional à l’APN et tous les chefs de la province ne participent pas aux activités de cet organisme de défense des intérêts.

Les Premières Nations sont généralement unies dans leur opposition à la levée de l’interdiction de circulation des pétroliers, adoptée par une loi en 2019 qui confère une force légale à un moratoire non contraignant en vigueur dans la région depuis les années 1970.

Cette interdiction empêche les pétroliers transportant plus de 12 500 tonnes de pétrole brut de s’arrêter ou de décharger dans les ports situés entre l’extrémité nord de l’île de Vancouver et la frontière de l’Alaska.

Mardi, M. Carney s’est adressé à l’Assemblée des Premières Nations, où il a tenté d’apaiser les inquiétudes des chefs concernant l’accord avec l’Alberta et le programme de grands projets de son gouvernement.

Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Tim Hodgson, devait prendre la parole devant l’Assemblée des Premières Nations jeudi, mais son intervention a été retirée de l’ordre du jour mercredi, tout comme celle du ministre de la Défense nationale, David McGuinty.

M. Hodgson s’est retrouvé dans une situation délicate la semaine dernière lorsqu’il a minimisé les préoccupations des Premières Nations côtières qui déploraient ne pas avoir été consultées avant la signature de l’accord sur l’oléoduc avec l’Alberta.

«Ça s’appelle Zoom», a plaisanté M. Hodgson sur les ondes de CBC à l’émission «Power and Politics» lorsqu’on l’a interrogé sur l’impossibilité pour la présidente des Premières Nations côtières, Marilyn Slett, de se rendre à Vancouver à la dernière minute pour une réunion.

Il s’est excusé pour ces propos, reconnaissant sur les réseaux sociaux qu’il s’agissait d’un «choix de mots malheureux» et proposant de rencontrer les Premières Nations «à leur convenance».

M. Carney s’est engagé mardi à rencontrer les Premières Nations côtières dès que possible. Les chefs de cette province n’ont pas été invités à le rencontrer mercredi.

La ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty, s’est adressée aux chefs mercredi, lors d’une table ronde sur un projet de loi sénatorial.

Mme Gull-Masty a déclaré aux chefs qu’elle était déterminée à réformer le statut des Premières Nations en vertu de la Loi sur les Indiens, mais qu’elle désapprouvait les modifications apportées par les sénateurs à un texte de loi qu’elle avait autrefois appuyé.

Elle a expliqué qu’en tant que femme crie, elle occupait une position unique, chargée d’appliquer une loi qui confère au gouvernement fédéral un contrôle sur la vie des membres des Premières Nations. Elle a ajouté comprendre les préoccupations des chefs concernant la loi dans sa forme actuelle.

Le projet de loi S-2, déposé au Sénat avec l’appui du gouvernement libéral, visait à éliminer certaines inégalités entre les sexes dans la Loi sur les Indiens et à permettre à environ 6000 personnes d’obtenir le statut de membre des Premières Nations.

Certains sénateurs et dirigeants des communautés autochtones ont estimé que le projet de loi était insuffisant.

Le mois dernier, les sénateurs ont modifié le projet de loi afin d’éliminer la règle dite de la «deuxième génération», selon laquelle le statut ne peut être transmis après plus de deux générations lorsqu’un seul parent possède ce statut.

La version amendée privilégie plutôt la règle du parent unique, qui permettrait le transfert du statut de membre des Premières Nations à un enfant si l’un de ses parents est inscrit.

Mme Gull-Masty a affirmé qu’elle croyait qu’«une solution fondée sur le statut d’un seul parent est une étape du processus» visant à mettre fin à la discrimination en vertu de la Loi sur les Indiens.

«Mais cette solution ne reflète pas le caractère unique de ce que nous sommes tous en tant que Premières Nations ici au Canada, a-t-elle ajouté. Je suis également ici pour exprimer très clairement que je dois m’efforcer de vous proposer plus d’une solution. Je suis là pour travailler avec vous, au sein de votre communauté, afin de définir la voie à suivre et pour définir et développer clairement les outils dont vous avez besoin.»

Le sénateur Paul Prosper, qui a contribué à modifier le projet de loi au sein du Comité sénatorial des peuples autochtones, a déclaré plus tôt dans la journée aux chefs réunis que les témoins entendus par ses collègues lors de l’étude du projet de loi étaient presque unanimes quant à la nécessité d’abroger la limite de la deuxième génération.

Il a indiqué que certains politiciens perçoivent les modifications apportées aux critères d’admissibilité au statut comme une préoccupation davantage financière qu’autre chose, puisque le financement par habitant dans les Premières Nations devrait augmenter si davantage de membres étaient reconnus par le gouvernement fédéral.

«Il existe une notion de justice profondément ancrée dans nos cœurs que nous devons respecter, non pas pour nous-mêmes, mais pour les générations futures, nos communautés et nos nations, a-t-il déclaré. Écrivez, faites pression, parlez à vos députés locaux, aux ministres concernés et faites-leur savoir que nous ne tolérerons plus cette situation, que nous avons besoin de changement et que nous en avons besoin maintenant.»

Lors d’une rencontre médiatique distincte, un groupe de chefs ontariens a déclaré mercredi que le gouvernement fédéral devrait immédiatement redéposer le projet de loi sur l’eau potable, qui n’avait pas été adopté avant le déclenchement des élections au printemps dernier.

Un report «inacceptable»

Le premier ministre Mark Carney a indiqué aux chefs à Ottawa mardi qu’un nouveau projet de loi sur l’eau potable serait présenté au printemps.

La grande cheffe de la Nation Anishinabek, Linda Debassige, a expliqué qu’un tel report était «inacceptable».

«Les Premières Nations ont trop attendu», a-t-elle indiqué lors d’une conférence de presse sur la colline du Parlement.

La ministre Gull-Masty avait annoncé l’été dernier qu’un nouveau projet de loi sur l’eau serait présenté cet automne.

La dernière version du projet de loi sur l’eau potable, le C-61, a franchi l’étape de la deuxième lecture et a été examinée en comité à la Chambre des communes, mais n’a pas été débattue en troisième lecture avant la fin de la 44e législature en raison des élections. Tous les projets de loi non adoptés au moment du déclenchement d’élections sont caducs.

Le projet de loi C-61 aurait affirmé le droit inhérent des Premières Nations à la compétence sur l’eau — y compris l’eau potable et les eaux usées —, établi des normes nationales minimales pour les services d’eau potable et d’eaux usées sur les territoires des Premières Nations et fourni un financement pour respecter les exigences minimales fixées par un règlement de recours collectif sur l’eau potable conclu en 2021.

Mme Debassige, qui a raconté avoir participé à l’élaboration du projet de loi C-61, a ajouté que les chefs ont entendu dire que le gouvernement envisageait de supprimer certaines protections qui figuraient dans le projet de loi précédent.

Le gouvernement fédéral signalait 38 avis d’ébullition d’eau de longue durée en vigueur sur les territoires des Premières Nations en date du 15 octobre. Vingt-sept de ces avis concernent l’Ontario; l’avis d’ébullition d’eau en vigueur dans la Première Nation de Neskantaga est en vigueur depuis 30 ans.

Le chef de la Première Nation de Neskantaga, Gary Quisess, a expliqué que, tandis que le gouvernement provincial cherche à faire progresser le projet minier du Cercle de feu sur les terres de Neskantaga, les membres de sa communauté utilisent depuis des décennies des bouteilles d’eau de 1,5 litre pour boire, cuisiner et se laver.

«Nous n’avons pas à vivre ainsi, a affirmé M. Quisess. De nombreux projets de développement profitent de nos terres, et nous, nous souffrons du manque d’eau.»

Alessia Passafiume

Alessia Passafiume

Journaliste

David Baxter

David Baxter

Journaliste