Chaque début du mois de décembre marque l’arrivée des publicités télévisées du temps des fêtes. Comme toujours, il y en a pour tous les goûts et pour différents buts publicitaires. Et la même publicité inonde plusieurs chaînes pour atteindre un maximum d’audience. Ce qui est bien correct parce que c’est pas mal ça le but premier d’une publicité.
D’année en année, notre gouvernement du Québec nous en propose une pour nous rappeler que dans le temps des fêtes (comme chaque jour de l’année, en fait), on ne conduit pas si on a consommé de l’alcool.
C’est bien personnel, mais disons que le concept de la publicité de cette année provoque chez moi un bon gros malaise chaque fois que je la vois. Si vous regardez, ne serait-ce qu’un minimum nos chaînes de télévision québécoise, il y a de fortes chances que vous soyez tombé dessus parce qu’elle a un bon roulement comme on dit dans le jargon du métier.
Comprenez-moi bien, je suis totalement en accord avec le fait de rappeler à tous qu’on ne conduit pas en état d’ébriété. Et que c’est important de le faire encore plus dans le temps des fêtes où les rassemblements incluant de la boisson sont nombreux. Je ne remets pas ça en doute un millième de seconde. Comme je le disais, mon malaise vient du concept de la pub.
Résumé de la pub : nous sommes dans le salon d’une maison et la famille s’amuse au jeu de la boulette, que certains appellent aussi le jeu du Post-It. Vous savez, ce jeu qui consiste à avoir un joueur ou une joueuse avec un nom de personne ou de personnage inscrit sur un papier et collé dans son front (nom qu’elle ne voit pas, bien sûr). En posant des questions aux autres joueurs, la personne tente de deviner le nom qu’il y a d’inscrit sur le papier.
Donc dans la pub, une jeune enfant d’environ 12-13 ans a le nom de son père inscrit sur le papier dans son front et au fil des questions qu’elle pose à sa famille devant elle, on comprend que son père a conduit avec les facultés affaiblies et qu’il a fait des victimes.
Mon malaise se situe à plusieurs niveaux. D’abord, un jeu qui se veut habituellement festif est loin de l’être dans cette publicité et on comprend bien pourquoi. Bien évidemment, toutes les personnes qui répondent aux questions de jeune fille ont un ton dramatique, le regard triste et le malaise bien présent. On le serait à moins…
Je comprends l’idée de choisir un jeu populaire où le public reconnaît rapidement les codes et peut saisir le message. Mais disons que pour moi, ce n’est pas tout à fait le bon choix « d’amusement » pour une situation si dramatique.
Deuxièmement, n’importe quelle famille, même avec un minimum d’amour et d’empathie, n’imposerait pas ce nom dans le front d’une enfant. Qui en plus se trouve à être l’enfant du père fautif. Voyons. On est où, là ? Dans un film sadique ? Visuellement, ça fait mal aussi.
Cette enfant assise seule par terre devant toute la famille installée dans le sofa et les chaises autour qui la regardent tous avec la mort dans l’âme. On serait intimidé par beaucoup moins que ça. Comme la petite fille au sol, on se sent écrasé.
Et finalement, ça me donne l’impression qu’on fait porter l’odieux du geste du père à la jeune enfant. Comme si elle devait porter une part de responsabilité des événements sur ses épaules. Alors qu’elle n’a rien à voir avec ce qu’a fait son père.
On a quasiment le sentiment que la famille lui fait des reproches à elle. Sinon, comment expliquer qu’on ait choisi de lui mettre ce nom dans le front ? Je comprends qu’elle est une victime collatérale de ce qui est arrivé, mais quand même. Ça fait beaucoup sur les épaules d’une jeune fille.
Mais peut-être que c’est moi qui ai l’épiderme trop sensible. Peut-être que c’est moi qui ne comprends pas bien le message. Peut-être que c’est moi qui chiale pour chialer. Peut-être que je suis le seul à avoir un malaise. Tout ça est bien possible. Tu me le diras.
Mais il reste une chose importante, c’est le message de base de cette campagne de publicité qui nous revient dans le temps des fêtes chaque année : on ne conduit pas si on a bu. Un point c’est tout. Ça, il faut le comprendre…
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