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Ne faudrait-il pas rappeler au premier ministre que le présumé meurtrier bénéficie de la présomption d’innocence et que ce dernier avait, lui aussi, une famille ?
Le triple meurtre ayant eu lieu à Montréal et à Laval ayant fauché les vies d’André Fernand Lemieux, de Mohamed Belhaj et d’Alex Levis-Crevier a remis à l’avant-plan les failles du système de santé mentale au Québec. En effet, le meurtrier présumé et ayant été abattu par les policiers, Abdulla Shaikh, souffrait de graves problèmes de santé mentale. Selon une décision de la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM) consultée par La Presse, Shaikh représentait toujours un « risque important pour la sécurité du public ».
Dans la foulée de cette terrible tragédie, le premier ministre du Québec, François Legault, s’est empressé de déclarer qu’il était « content qu’on se soit débarrassé de cet individu-là ». Ces propos ont suscité de vives réactions, notamment sur les médias sociaux. Peu après, François Legault a affirmé s’être « mal exprimé » et s’est défendu de se réjouir de la mort d’une personne. Ne faudrait-il pas rappeler au premier ministre que le présumé meurtrier bénéficie de la présomption d’innocence et que ce dernier avait, lui aussi, une famille ?
Certes, le premier ministre a eu raison de se raviser et de clarifier sa pensée. Après tout, la peine de mort est abolie au Canada depuis 1976, à ce que je sache. Oui, il nous faut honorer et célébrer les vies de ces trois victimes innocentes ayant été tuées au hasard. Néanmoins, les propos profondément troublants du premier ministre ne font que retourner le fer dans la plaie de la stigmatisation des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale.
Je trouve lassant de répéter et de réécrire ceci, mais il importe de le réitérer. La vaste majorité des personnes vivant avec une problématique de santé mentale ne représentent pas de danger pour autrui. Plus encore, elles sont plus susceptibles d’être victimes d’un acte criminel que d’en commettre un, selon l’Association canadienne pour la santé mentale. Pourtant, il s’agit d’un mythe profondément tenace au sein de la population, même parmi les plus érudits et conscientisés d’entre nous.
Toutefois, de nombreuses questions demeurent en suspens. Comment se fait-il que cet individu ait été libéré considérant le risque qu’il représentait pour la population et ses antécédents criminels ? J’y vois là beaucoup plus qu’un échec individuel ou même familial, mais plutôt l’illustration de l’échec de notre système.
Nous devons absolument tirer des leçons de ce qui s’est produit entre le 2 et 4 août dernier. C’est ce que la coroner en chef veut faire en réclamant une enquête publique sur ce triple meurtre. De plus, plusieurs experts en appellent à instaurer un tribunal spécialisé en matière de santé mentale au Québec, à l’instar de celui pour les violences conjugales et sexuelles. Ça ne pourra certainement pas tout régler ou être une panacée, mais peut-être que cela pourrait être un début.
Les propos du premier ministre seront probablement vite oubliés par le commun des mortels. Après tout, Legault n’en est pas à sa première bourde. À l’aube de l’élection du 3 octobre prochain, il sait qu’il sera réélu sans trop de difficulté. Or, pour les personnes directement impliquées, elles se souviendront longtemps de la bassesse du premier ministre du Québec. La famille de Shaikh ne recevra probablement pas un très grand capital de sympathie de la part du public. Pourtant, il s’agit d’un drame pour eux aussi. À mes yeux, ils font, eux aussi, partie des victimes.