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«Quoi qu’il arrive, on est là.»
Pour pallier au sentiment d’insécurité vécu par les femmes dans les transports en commun et dans les rues, une application les met en lien en leur permettant de se contacter et d’envoyer des alertes. L’application The Sorority a même été mis à contribution dans un tragique cas de disparition en France.
«Quoi qu’il arrive, on est là.»
Pour bien des femmes, cette phrase résonne : elle signifie qu’un filet social de sécurité existe. Et qu’au besoin, on peut compter sur l’entraide, la solidarité et la bienveillance de l’autre. Même si on ne le connait pas.
Cette phrase, c’est le leitmotiv de l’application française The Sorority (ou « sororité », qui désigne une communauté de femmes, mais aussi un élan de solidarité féminine). Créée en 2020 par Priscillia Routier Trillard, une Française de 37 ans mère de deux garçons, et lancée l’année suivante, l’appli est disponible gratuitement sur l’App Store et sur Google Play.
Plus de 110 000 utilisatrices, en provenance d’une douzaine de pays, sont inscrites. Et ce chiffre ne cesse de croître. L’appli est ouverte aux femmes et aux minorités de genre seulement, et ce dès l’âge de 12 ans avec une autorisation parentale.
Le principe de The Sorority est simple : elle permet aux femmes d’entrer en contact rapidement et efficacement avec les cinquante femmes les plus proches d’elles. Basée sur la géolocalisation et une vérification rigoureuse de l’identité des utilisatrices (à l’inscription, il faut envoyer une pièce d’identité et un selfie), l’application affiche un bouton qui, maintenu deux secondes, envoie un message d’alerte.
Les femmes contactées autour de celle qui lance l’alerte peuvent lui envoyer un message, se diriger vers elle ou contacter les secours. Tout ça en un clic.
Selon ce que rapporte l’entreprise sur ses réseaux sociaux, l’efficacité de l’app serait constante depuis ses débuts : en une minute, entre dix et quinze personnes entrent en contact avec celle qui a envoyé l’appel à l’aide.
Dans les médias, la fondatrice parle de « faire baisser le stress » et de briser « l’effet de sidération ». Celui-ci se définit comme un état de paralysie mentale et émotionnelle ressentie bien souvent par les victimes de violence. Cela les empêche de réagir rapidement et efficacement. Elles deviennent immobiles, au ralenti, muettes, comme anesthésiées, sorties de leur corps.
Difficile alors de crier ou d’appeler à l’aide !
Et c’est là que The Sorority prend tout son sens. Elle brise l’isolement, crée un sentiment d’appartenance et renforce celui d’empowerment (souvent traduit par « autonomisation »). Dans la rue, dans le bus, au cœur d’un festival ou chez soi, l’appli se donne la mission de renverser le rapport de pouvoir agresseur-victime.
J’aime tout de l’idée – même s’il faudra beaucoup plus de 110 000 abonnées à l’appli (dont moi !) pour réellement changer les choses. De plus, je ne peux m’empêcher de penser qu’il est triste et plutôt décourageant de constater que les femmes doivent se rassembler entre elles pour assurer leur sécurité.
Je rêve que les hommes se sentent plus concernés, tous concernés, par les problèmes de harcèlement de rue, d’intimidation et d’agressions sexuelles dont les femmes sont victimes tous les jours.
Comme l’écrivait l’auteur Stéphane Dompierre dans une publication percutante sur Facebook cette semaine, les hommes doivent cesser de « perpétuer les boys club, de protéger (leurs) homologues masculins » et doivent être « solidaires avec les victimes, pas les agresseurs ».
Et j’ajouterais ceci, à l’intention des messieurs : demandez aux femmes autour de vous si elles ont déjà été victimes d’harcèlement, d’intimidation, d’inconforts ou de malaises dans l’autobus ou dans le métro en lien vers leur genre. Je suis prête à parier qu’elles répondront par l’affirmative ; je pense que nous l’avons toutes vécu au moins une fois…
Un petit rappel : le harcèlement de rue touche près de 70 % des femmes et 84 % des personnes issues de la diversité sexuelle à Montréal, selon un rapport de recherche publié à l’automne 2022 par les départements de sociologie de l’UQAM et de l’Université de Montréal.
Dans leur campagne 2023-2024 pour contrer le harcèlement, la Ville de Montréal, le SPVM et la STM indiquent que deux personnes sur trois ont déclaré avoir été victimes de harcèlement de rue dans la métropole — et dans 53 % des cas, elles ne sont pas aidées par les témoins…
Quand les passants n’aident pas et que les autorités sont débordées, les liens d’une communauté regroupée autour d’un objectif commun, la sécurité des femmes grâce à The Sorority, est un petit baume.
Cela n’a toutefois pas été suffisant pour sauver Philippine, une étudiante universitaire de Paris.
Samedi, à Paris, l’application a émis un avis de recherche pour retrouver la femme de 19 ans disparue depuis la veille. Grâce aux partages sur les réseaux sociaux et aux messages via l’application, plus de 300 000 personnes auraient vu le message, a déclaré la fondatrice Priscillia Routier Trillard à la presse.
Trente minutes après le signalement, le corps de la jeune femme a été découvert près du parc Bois de Boulogne. Une enquête a été ouverte.
Et l’équipe de The Sorority poursuit sa mission : elle est présentement en pourparlers avec le gouvernement français pour établir un partenariat.
Pour que plus jamais, on ne soit seules.