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Je m’excuse. Je sais que ça commence raide. C’est pourtant des mots qu’on peut lire régulièrement, moi et plusieurs femmes qui ont le malheur d’exercer un métier public, en se réveillant le matin.
Quand j’ai vu, ce week-end, qu’une candidate du PQ, Andréanne Fiola, se faisait «outer» par on-ne-sait-pas-qui-mais-on-s’en-doute, je n’ai pas été surprise. Son crime : être apparue dans des vidéos pornographiques.
Je me questionnais ce matin à savoir si j’allais écrire là-dessus. Après tout, dans le feu roulant des informations en continu et de la campagne électorale, cette « anecdote » est, 5 jours plus tard, considérée comme une « vieille » nouvelle. Sauf qu’il n’y a rien de passé date dans la violence quotidienne que vivent les femmes sur internet et dans la vraie vie.
Si certaines personnes font de l’humiliation publique des femmes un sport national, j’ai tout de même l’impression que les choses changent un peu. À voir les réactions sur les médias sociaux par rapport à l’affaire Fiola, j’en viens à la conclusion qu’on a fini de baisser la tête et de courber l’échine.
La candidate a reçu énormément d’appuis et le chef du parti, Paul St-Pierre-Plamondon, a réitéré sa confiance en elle. Même que ce sont les personnes qui ont tenté de la réduire au silence qui ont été pointées du doigt. L’arroseur arrosé, comme on dit. Et c’est tant mieux.
L’expression s’en vient un brin galvaudée, mais elle demeure vraie : la honte doit changer de camp. Et c’est en train d’arriver. On (je parle des femmes ou de tout le monde qui s’identifie comme tel) est ben écœuré d’en être sans cesse réduite à notre sexualité. On n’en peut plus de se faire traiter de salopes, de truies, de putes, de grosses, de laides, de vieilles, de connes, de folles à qui mieux mieux dans tous les espaces de discussions où l’on ose prendre la parole[1]. Il est temps que les projecteurs se tournent vers ceux qui répandent la haine.
Il y a quelque temps, j’étais dans un centre commercial de la région de Québec avec mon conjoint et mes enfants. Arrivée chez moi, j’ai reçu un message : « J’ai vu une baleine en one piece fleurie aujourd’hui aux galeries. Je suis non vacciné et vous êtes passé à moins de 1 mètre de moi et ma famille de complotistes symptomatiques ».
J’ai été soufflée par ce message parce que la haine virtuelle que je reçois assez régulièrement se transposait dans le réel. Cet homme m’avait vue au centre d’achats en compagnie de ma famille et il avait assez de colère en lui pour quitter les lieux, conduire jusque sa résidence, me trouver sur Facebook et m’écrire ce message.
J’ai eu peur. Sincèrement peur. Peur de savoir qu’il m’avait observé et peur qu’il connaisse désormais le visage de mes enfants. Des enfants qui n’ont rien demandé et qui vivent les contrecoups de mon métier. Un métier qu’ils n’ont pas choisi.
J’ai publié le message de cet homme sur les médias sociaux pour qu’il comprenne ce que ça faisait d’être exposé de la sorte. Et je vais être très transparente : je trouve ça dommage d’en arriver à poser ce genre de geste pour avoir la paix. Quand est-ce qu’on va légiférer davantage et que ce monde-là va être imputable de leurs propos ?
Parce que pour le moment, à part si quelqu’un t’envoie une menace de mort ou te harcèle clairement par messages texte ou vocaux, il n'y a pas grand-chose à faire. Et les policiers aimeraient avoir la latitude d’en faire davantage. Je le sais parce que tous sans exception me l’ont confié les fois où je suis allée porter plainte au poste.
Les plateformes aussi devraient être imputables. Ce n’est pas normal que des gens puissent écrire de telles choses et bien pire encore sans qu’il n’y ait aucune conséquence sur leur présence en ligne. Ce qui compte, c’est le profit.
Traumavertissement: le langage contenu dans l'extrait audio qui suit pourrait choquer certaines personnes, mais illustre bien la violence à laquelle font face plusieurs femmes en ligne.
Vraiment, j’ai hâte qu’on passe à la vitesse supérieure et qu’on prenne la décision collective que ce type de comportement toxique ne passe plus. Parce que, je vous le jure, je n’aime pas ça les publier, ces messages-là. Je n’aime pas ça parce que je sais que leurs auteurs recevront à leur tour bon nombre de messages haineux et que c’est aussi une forme de violence.
Sauf qu’en ce moment, je ne vois pas d’autre alternative. C’est comme si on n’avait pas d’autre choix pour que ça arrête. Et si c’est seulement en exposant les menaces et propos sexuellement dégradants que je vais avoir la paix, je ne vais certainement pas me gêner.
À leur tour d’avoir honte.
[1] Je passe sous silence le fait que de traiter quelqu’un de grosse, de laide, de folle ou de pute et d’en faire une insulte est discriminatoire et problématique en soi.