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Bienvenue à la station balnéaire d’un monde imaginaire (ou pas) où la banalité du mal bat son plein.
Je vagabondais, comme trop souvent d’ailleurs, d'un site de nouvelles à l’autre. À la recherche, à dessein ou non, de la néo-dystopie «trumpiste». M’explose alors en plein visage l’image d’un Elon Musk exécutant le salut honni. Une première fois, suivie d’un salut bonus.
À la vue des images, répétées en boucle, mes genoux plient. Il est fier comme un paon, de surcroît le cuistre. Des excuses? Nada. N’en espérez même pas.
Le même salut qui, pourtant, suffisait jadis à catapulter l’antisémite jusque dans la stratosphère au point de le rendre infréquentable. Là où il devra subir la suite de son existence, recroquevillé sous le plus gros caillou disponible.
Période révolue. Terminado. Game over.
Parce que la banalité du mal, brillamment conceptualisée par Hannah Arendt, bat son plein.
L’épisode, à se tordre les tripes de désarroi, avait néanmoins ceci de fascinant: le silence complice de celui que l’on surnomme, dans son pays, «Bibi».
Bibi, ou Benyamin Nétanyahou de son vrai nom. Que Recep Tayyip Erdoğan, le président de la Turquie, appelle le boucher de Gaza. Aussi rapide à opérer un génocide qu’à qualifier d’antisémite quiconque le dénonçant. Parlez-en à la Cour pénale internationale, diffamée ainsi à la suite de mandats délivrés contre ledit Bibi et ses aides-bouchers. D’ailleurs, pas plus tard qu’hier, Donald Trump a signé un nouveau décret contre la Cour pénale internationale, s’attirant vendredi les félicitations d’Israël.
Le premier ministre d’Israël, donc, s’accommodant de saluts nazis. On vit dans une époque fantastique. Et comment expliquer une telle ignominie? Ma petite lumière, enfin, en vint à s’allumer un brin. Une seule option possible, celle de l’entente orchestrée entre les deux bullies: Bibi pourrait ouvrir grandes les portes de ce qui reste de Gaza, offrant au président-promoteur-immobilier les clefs du site. La boutade de Trump, le soir des 100 décrets, ne relevait donc pas du pipeau: la bande litigieuse pourrait changer sous peu de vocation, troquant le génocide pour le tourisme.
Voilà qui est sympa. Une splendide station balnéaire, aux couleurs dorées et au nom du président-condamné-au-criminel, construite sur le socle des 64 000 âmes palestiniennes fraîchement tuées. À moins que les réactions internationales qui fusent de nombreuses capitales du monde aient raison, dans ce qui serait un nouveau «flip-flop trumpien», de ce projet un peu fou.
— Un autre daiquiri aux bananes, monsieur?
— Volontiers, mon brave. Dites-moi, qu’est-ce que l’on voit, à côté de la mer?
— Ah, ne portez pas attention, monsieur. Il s’agit des restes d’un camp de réfugiés. Ils seront nettoyés sous peu, monsieur. Nos excuses.
— Sans problème. Dites, la vue, là-bas, qu’est-ce?
— Vous voulez dire le building détruit avec le signe d’hôpital?
— Non, je sais bien qu’il s’agit d’un ancien hôpital, je ne suis pas stupide. À côté, je veux dire. Les énormes remblais.
— Ah pardon monsieur. On parle ici d’une fosse commune.
— Mais c’est dégoûtant!
— Nos excuses, monsieur. Cigare?
— Bien entendu. Il en reste, mon brave, des Palestiniens?
— Ne vous inquiétez pas, monsieur. Ils ont été déportés. Manu militari. Ça n’aura pas été une traînerie!
— Bon, au moins.
Ce qui nous reste d’humanisme invoquera, à perte, les quelques fondements d’un droit international piétiné sous les bottes dégoulinantes d’un impérialisme l’étant davantage.
Le droit à l’autodétermination des peuples, protégé à la Charte de l’ONU et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, par exemple.
Ou encore l’interdiction de déplacement forcé d’une population, qualifié à juste titre par le Statut de Rome de crime contre l’Humanité et réitérée par la Convention de Genève:
«Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la "Puissance" occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif.»
Quel qu’en soit le motif, donc.
Incluant, on l’imagine, la méchanceté sanguinaire d’une poignée d’oligarques sans gouvernails autres que le scélératisme et le fric.
Ceux qui contrôlent sans partage le nouvel échiquier géopolitique planétaire, ensevelissant humanisme et droits fondamentaux au même titre que les cadavres encore chauds.
What a beautiful (new) world.