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«Avoir un grand sens de l’autodérision ne suffit plus.»
Près d’un mois après les fameux Jeux olympiques de la Ville lumière, je vois encore défiler sur les multiples réseaux sociaux des mèmes humoristiques sur la breakdance australienne Rachael Gunn.
Résumé haute vitesse de l’histoire : Rachael Gunn, surnommée Raygun, une breakdancer australienne, championne d’Océanie dans sa discipline, ce qui lui assure une place aux J.O. 2024, exécute une routine lors des épreuves de breaking aux jeux de Paris. Une routine qui, disons-le, ne fait pas l’unanimité mondiale. La planète pas mal entière la trouve ordinaire. Rien pour participer comme danseuse dans un clip de Fouki comme on dit dans le hood du breakdance.
Le jour même (parce que ça va vite dans le monde de la blague virtuelle), une mégatonne de mèmes de l’Australienne inonde les plateformes sociales. C’est parti mon kiki ! À qui aura le meilleur montage mettant en vedette un mouvement de Rachael « Raygun ».
Un mois, ça doit être long en titi quand c’est toi qui es la star de blagues photo. Elle est plusieurs fois millionnaire, madame Gunn. Pas en argent, mais en clics. Comprenez-moi bien, je ne suis pas une Sainte-Nitouche qui s’offusque. Moi aussi, j’en ai ri plusieurs. Plus que moins même. J’ai salué l’originalité de certains, je ne m’en cache pas. J’ai poussé quelques « Wow ! » devant mon écran de cellulaire.
Mais si moi j’en ai vu quelques-uns, pis toi aussi, pis toi, pis toi, pis l’autre, l’Américaine, l’irlandais, le polonais, l’Italienne, la Portugaise pis la fille de Rawdon, ça commence à faire beaucoup du monde à shop. En fait, chaque mème, pris seul est inoffensif. C’est de l’amusement, de l’autodérision. Une blague qui défile sur X entre deux chicanes d’usagers de la route et de cyclistes.
Mais c’est l’accumulation qui doit commencer à gratter le bobo et qui le faire saigner. J’imagine qu’un moment donné, madame Rachael, assise sur son sofa, a dû se dire : OK ! Donnez-moi un break, tabarnak (désolé, je ne connais pas de gros mots australiens).
J’imagine que c’est en voyant que tout ça ne s’arrêtait pas, qu’elle a pris la décision de mettre en ligne un message d’excuses. Mais s’excuser de quoi au juste ? Pourquoi ? Pour avoir fait honte à sa discipline ? S’excuser pour sa contre-performance ?
Pourtant, je n’ai pas entendu d’excuses de cet athlète qui s’est frotté la bizoune sur la barre du saut en hauteur. Un coureur ne s’excuse pas d’avoir trébuché. Une nageuse synchronisée ne s’excuse pas d’avoir avalé un bouillon. Alors, pourquoi devait-elle le faire ?
Je ne peux m’empêcher de me dire qu’elle l’a fait pour stopper ce train à grande vitesse ben plein de blagues sur elle. Parce que j’imagine qu’un moment donné, même la meilleure blague sur toi ne te fait vraiment plus rire.
Avoir un grand sens de l’autodérision ne suffit plus. Elle devait souhaiter du fond de son cœur que quelqu’un gaffe à son tour pour prendre le relais. En ce moment même, elle jubile et remercie à genoux Donald Trump d’avoir parlé de chat et de chien mardi soir. Et hop ! On passe à une nouvelle série de mèmes.
Je sais bien que c’est ce n’est pas demain la veille que tout ça va s’arrêter et c’est ben correct. En fait, je n’ai pas envie que ça s’arrête parce que ce genre de tendances humoristiques me fait rire, moi aussi.
Collectivement, ça fait du bien de s’amuser aux dépens d’une situation un brin loufoque. Ça nous change d’un complot surréaliste qui surfe sur la vague de la désinformation. Mais peut-être qu’après un moment relativement court, on pourrait se dire : Aïe la gang ! On a fait le tour et passons à un autre appel. Ayons une petite pensée pour la personne qui est au centre de l’orgie de mèmes.
Maintenant je vais me demander : et si c’était moi, est-ce que je serais à boutte de mes nerfs ? Si la réponse est oui, je vais arrêter de propager les blagues. Ça ne va pas les stopper, mais ça fera un canal de diffusion en moins.
Sur ce, je vais aller photographier ma chatte, princesse Leia, dans ma friteuse à air. Attention, mème en construction !