Pas moins de 523 postes pour la mairie des municipalités québécoises et 2761 postes de conseillers sont en jeu ce dimanche 2 novembre. Pourquoi s’attend-t-on à une participation électorale faible? Qui vote, pourquoi, et quelles sont les conséquences possibles?
Les élections municipales québécoises, tenues tous les quatre ans, constituent un moment clé pour la démocratie locale. Pourtant, elles demeurent souvent dans l’ombre des scrutins provinciaux et fédéraux.
En science politique, on réfère souvent au palier municipal comme étant le « parent pauvre » de la politique québécoise, alors que les élections provinciales et fédérales attirent nettement plus l’attention des médias, des chercheurs et de la population.
Tout cela se reflète dans la participation électorale, qui est faible et nettement inférieure à celle des autres paliers.
Qui vote?
D’emblée, mentionnons que, dans beaucoup de municipalités et de villages, il n’y a simplement pas d’élection, car il n’y a qu’une seule candidature. C’est souvent le cas de plus petites localités, mais pas seulement. Par exemple, le maire de Terrebonne, ville qui fait partie des dix plus populeuses au Québec, a été élu par acclamation.
Là où il y a une élection, le taux de participation se situe généralement entre 35 % et 45 %. Derrière cette moyenne plutôt faible se cachent toutefois d’importantes disparités dans les profils des personnes qui décident de voter par rapport à ceux qui s’abstiennent.
L’âge est certainement le grand prédicteur et générateur d’inégalités dans la participation politique. Plus l’on est âgé, plus l’on a de chances d’aller voter. Par exemple, lors des élections municipales de 2021, les 55 ans et plus avaient 26 points de pourcentage de plus de chances d’aller voter par rapport aux 18-34 ans.
L’effet de l’éducation est également important, mais de moins en moins de gens font partie du groupe votant le moins, c’est-à-dire ceux et celles qui n’ont pas de diplôme d’études secondaires.
Contrairement à certaines idées reçues, les différences entre les genres, lorsqu’il y en a, sont généralement minces.
Ces facteurs sociodémographiques sont importants pour mieux cerner les inégalités politiques potentielles (j’y reviens plus bas), mais ne nous disent pas pourquoi les gens votent ou non aux élections municipales.
Pourquoi les gens votent ou s’abstiennent?
Dans l’ouvrage The Motivation to Vote (2020, UBC Press) que j’ai co-écrit avec André Blais, nous démontrons que la décision de voter repose surtout sur deux prédispositions fortes et généralement stables au courant d’une vie.
Ces deux prédispositions sont l’intérêt pour la politique et le sens du devoir civique. Ce dernier représente l’idée que voter serait un devoir et pas simplement un droit et que voter serait la bonne chose à faire moralement parlant.
Or, l’intérêt pour la politique et le sens du devoir civique sont plus faibles lorsqu’il est question d’élections municipales. Des données d’un projet de recherche sur la participation politique que je mène actuellement illustrent clairement la différence quant à l’intérêt politique.
Le tableau ci-bas indique la moyenne de l’intérêt politique de l’électorat québécois, sur une échelle allant de 0 à 10 (où 0 indique « aucun intérêt » et 10 « beaucoup d’intérêt »).
En moyenne, les citoyens indiquent un niveau d’intérêt pour la politique municipale de 5,1 sur 10, ce qui est plutôt faible, près de 1,5 points de moins que pour la politique québécoise et canadienne (ce qui est beaucoup sur une échelle de 0 à 10!).
Tableau : Niveau d’intérêt pour la politique (échelle allant de 0 à 10)
| Moyenne | Médiane |
Politique canadienne | 6,6 | 7 |
Politique québécoise | 6,7 | 7 |
Politique municipale | 5,1 | 5 |
Note. Les données de sondage ont été collectées en février et mars 2025 et proviennent de 1 859 répondants québécois du panel LEO de Léger. L’échantillon a été construit à partir de quotas pour l’âge, le genre, et la langue afin de correspondre aux distributions du recensement de 2021 sur ces variables.
De plus, l’intérêt pour la politique et le sens du devoir civique sont en déclin chez les plus jeunes générations qui remplacent graduellement les plus âgées, ce qui contribue au déclin structurel de la participation électorale à travers le temps – malgré certains soubresauts.
Un cercle vicieux?
Cela soulève évidemment la question : pourquoi les citoyens et citoyennes sont moins intéressés par la politique municipale et ne considère pas que voter au municipal est un devoir?
Une hypothèse probable est liée au « déficit informationnel » découlant du fait que les médias n’accordent pas suffisamment d’attention aux élections municipales. De plus, comme il y a des centaines d’élections distinctes, il n’y a tout simplement pas assez (et de moins en moins!) de médias locaux pour tout couvrir.
L’accessibilité du vote, un frein majeur à la participation?
On parle souvent de l’accessibilité au vote comme étant un facteur important. Les citoyens n’auraient pas l’information nécessaire (leur lieu de votation, par exemple) ni le temps pour aller voter.
Or, il s’agit d’un facteur auquel, selon moi, on accorde trop d’importance en comparaison à d’autres éléments. Dans notre ouvrage, nous avons démontré que la vaste majorité des citoyens et des citoyennes considèrent qu’il est soit très facile ou plutôt facile de voter. Autrement dit, les abstentionnistes ne vont pas bouder les urnes simplement parce que voter serait (trop) difficile.
On en revient plutôt, encore une fois, au niveau d’intérêt et au sens du devoir civique.
Enjeux démocratiques
Les inégalités de participation politique aux élections municipales soulèvent d’importants enjeux de représentation. En effet, si les personnes qui votent moins sont plus nombreuses chez certains groupes sociodémographiques (comme les jeunes), cela augmente le risque que leurs voix et leurs préoccupations peuvent être moins bien représentées, ce qui est particulièrement dommageable pour la démocratie municipale.

