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J’ai toujours été sceptique face à ce qu’on dit par rapport aux femmes en politique. J’ai toujours trouvé qu’on criait vite à la misogynie quand le débat devenait plus vigoureux. Mais après des années à analyser la politique, je dois me rendre à l’évidence: les femmes en mangent toute une.
Quand un ministre masculin répond avec aplomb à une députée d’opposition, même s’il ne s’en prend pas personnellement à l’élue, même lorsque la réponse aurait été la même face à un député homme, il n’est pas rare qu’il soit accusé de «mansplaining». C’est un peu la réponse facile et je suis la première à rouler des yeux quand ça arrive, associant ces exagérations à une forme de victimisation à laquelle je n’adhère pas.
Mais je dois admettre que les femmes vivent une réalité bien différente de celle de leurs collègues masculins. Il est rare de discuter avec une élue ou une ancienne élue qui n’a jamais subi de paroles ou d’actes violents ou misogynes.
J’ai été choquée par le témoignage de la députée de Charlevoix--Côte-de-Beaupré la semaine dernière. Elle a raconté avoir été prise par le collet par un maire de son comté. Évidemment, il s’agit d’un cas extrême. Mais il est la manifestation violente d’une tendance qui, malheureusement, est bien présente dans notre société.
Nous avons aussi récemment appris que la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, était sous protection policière depuis plusieurs semaines à la suite de menaces de mort.
Tous les élus subissent les insultes, l’intimidation et les menaces, peu importe leur genre. Mais quelques éléments viennent ajouter à la situation quand on est une femme.
Le premier élément que j’observe est cette tendance à nous sous-estimer. C’est un peu comme si l’image qu’on se fait d’un leader ne correspond pas à celle d’une femme. Cela se manifeste de toutes sortes de façon plus ou moins grave. Pour ma part, quand j’étais directrice des communications ou de cabinet, il arrivait régulièrement qu’on me demande si j’étais l’attachée de presse, alors que le conseiller politique qui m’accompagnait était immédiatement soupçonné d’être le patron.
Rien de dramatique, mais cela est parlant. Cette incompatibilité entre la femme et l’idée d’autorité peut se manifester de façon moins candide. Il arrive régulièrement que des élues aient bien de la misère à se faire prendre au sérieux face à certains maires, chefs, ou représentants de parties prenantes. Serait-il possible que certains hommes n’aiment pas ça se faire gérer par des femmes?
L’autre élément que j’ai remarqué est le niveau de violence des insultes. Très rapidement, lorsqu’on s’en prend aux femmes, on tombe sur un terrain touchant à notre sexualité ou à notre maternité. Les références à la prostitution, au viol, à notre beauté ou notre laideur, à nos attraits ou à nos défauts physiques. Certaines personnes se plaisent à nous ramener au niveau d’objet sexuel.
Les commentaires touchant la famille et les enfants sont probablement les pires. Vous me direz que ces gens sont des exceptions et que ce ne sont pas les pingouins qui glissent les plus loin, mais revivant ma dizaine d’années en cabinet et toutes celles passées sur les réseaux sociaux, je trouve qu’il y en a beaucoup, de pingouins.
Le 25 novembre marque la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Lorsque vous verrez les élues porter le petit ruban blanc, elles le feront certainement pour toutes les femmes qui subissent de la violence conjugale ou sexuelle. Mais moi je le porterai aussi pour elles, qui subissent cette violence. Et je le ferai pour toutes les femmes qui sont découragées de se présenter en politique pour ne pas avoir à subir ça, ou à le faire subir à leur famille.
Tout n’est pas sombre au Québec. Je suis consciente que je suis née et j’ai grandi dans une société parmi les plus égalitaires au monde. Les choses s’améliorent constamment. Mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire!
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