Début du contenu principal.
Le problème n’est pas l’allègement des restrictions, mais le fait qu’on n’ait rien appris après cinq vagues
Mardi, François Legault a essentiellement décrété que la pandémie était terminée. Le virus est encore là, mais les gens sont « tannés », et le premier ministre nous « comprend ». M. Legault a même évoqué les convois de camion à Québec avant d’enchaîner sur les nouveaux allègements.
Qu’est-ce qui change ?
En général, on lève des mesures symboliques ou d’utilité marginale pour freiner le virus. Parce que ce n’est pas dans les épiceries, les magasins de meubles ou chez Canadian Tire qu’on attrape la covid. Ce n’est pas non plus dans des restaurants ou des théâtres à moitié vides et encore moins lors des spectacles à l’extérieur.
D’autres restrictions seront enlevées à la toute fin de février ou en mars, dont celles qui touchent les bars. Mais pour les trois prochaines semaines, rien qui ne devrait faire une différence énorme sur la transmission du virus.
Le plus gros du problème n’est pas ce qui change. C’est ce qui ne change pas.
D’abord, le message. À l’approche d’un événement festif (le Super Bowl), on signale qu’on peut se rassembler à l’intérieur de façon illimitée.
Ensuite, l’approche. On fait des annonces en fonction de l’humeur générale ou d’objectifs politiques, et non de la réalité. Comme à Noël 2020, au printemps 2021 et à Noël 2021. On sait ce qui est arrivé, chaque fois.
Enfin, et le plus important, la réalité n’a pas changé.
MM. Legault et son ministre de la Santé, Christian Dubé, ont trouvé qu’il y avait « une petite marge de manœuvre » dans nos hôpitaux.
En effet, on est moins mal pris qu’il y a un mois, quand le gouvernement a dû inventer un niveau supplémentaire de délestage. Mais on est mal pris quand même.
Le nombre de patients hospitalisés positifs à la COVID reste plus élevé qu’à tout autre moment de la pandémie. Environ 150 000 Québécois attendent encore pour se faire opérer, et ce nombre augmente chaque jour. Et on manque toujours de bras pour nous soigner.
On n’en a pas, de marge de manœuvre. On n’est même pas à zéro, on est à moins vingt ou à moins 30, en termes de marge de manœuvre.
Et, même si on teste moins, le nombre de cas reste tout aussi élevé qu’à la mi-décembre.
On pourrait peut-être juste attendre quelques semaines pour faire le party. Pas deux ans. Quelques semaines. Parlez-en à quelqu’un qui bosse dans un hôpital, il va vous expliquer.
Les Québécois sont écœurés, avec raison. On est rendus au 497e jour du « défi 28 jours » lancé par le premier ministre à l’automne 2020.
En plus de s’être fait imposer une tonne de contraintes frustrantes et peu utiles — dont deux couvre-feux —, les hôpitaux ont quand même débordé cet hiver, et des gens sont morts par centaines. Juste en 2022, on est rendus à près de 1800 morts. C’est plus de la moitié du total de 2021 (3254), qu’on a commencée avec très peu de gens vaccinés.
Alors, il reste l’impression que peu importe ce qu’on fait, ça ne donne rien, le virus va aller où il veut. Et les gens décrochent.
En dehors des hôpitaux, des CHSLD et des résidences, il y a en gros trois endroits où on peut faire une différence : dans les écoles, au travail et lors de rassemblements dans des lieux clos, principalement à domicile.
Contrairement à ce qu’il a fait depuis le début de la pandémie, le gouvernement pourrait se concentrer là-dessus et lâcher à peu près tout le reste. Pas pour interdire ou fermer les écoles, mais en donnant des outils et en encourageant à agir de façon intelligente.
Voyez-vous à la maison, mais testez-vous avant, par précaution. N’invitez donc pas grand-maman au Super Bowl. Et ouvrez donc les fenêtres.
Installez donc des purificateurs d’air au travail. Ça semble aider, il n’y aurait eu qu’une seule éclosion rapportée dans les cabinets de dentistes, où les gens ont la bouche ouverte pas mal tout le temps, sans porter de masque. Aussi, portez de bons masques, qui bloquent les aérosols. Les KN95 sont meilleurs que les masques bleus, plus confortables que les N95 et très efficaces, même sans « fit test ».
De notre côté, on va s’occuper des écoles, comme on aurait dû le faire depuis longtemps, au lieu de faire semblant avec des lecteurs de CO2. L’Ontario a installé 70 000 purificateurs d’air dans les classes, les cafétérias et les espaces communs de ses écoles. L’automne dernier, il y a eu quatre fois moins de cas que le Québec en proportion de la population, et moins de cas par éclosion, aussi.
Notre gouvernement pourrait dire ça et en même temps mettre fin au mauvais théâtre sanitaire, qui ne fait que donner l’impression d’agir. Mais apparemment, tout ce notre gouvernement sait faire, c’est fermer. Et rouvrir. Et refermer. Et rouvrir. Et refermer. Et rouvrir.
En mars 2020, un médecin sud-coréen disait que les confinements étaient une chose « qu’on faisait au Moyen-Âge, parce qu’on ne savait pas ce qui causait les infections et où la maladie se propageait ».
La Corée n’a jamais fermé ses restaurants. Le Québec a presque douze fois plus de morts que la Corée, en proportion de sa population.
En cinq vagues, le message ne s’est jamais rendu au Québec. Que ça ne se soit pas mieux ailleurs est une piètre excuse. Plutôt, ça devrait nous amener à nous poser deux ou trois questions sur l’apport réel de nos pouvoirs publics.
Oh. Et si vous avez une impression de déjà-vu, vous n’êtes pas dingue. Le 7 septembre 2021, il n’y a pas six mois de cela, François Legault déclarait solennellement qu’on va devoir « apprendre à vivre avec le virus ».
Qu’est-ce qu’on a appris !
DRÔLE DE HASARD
Depuis le début de la pandémie, presque toutes les mesures annoncées — dans un sens ou dans l’autre — commençaient le lundi suivant. Apparemment, le Super Bowl a ses raisons que la politique ne peut pas ignorer.
LA POLITIQUE DU VIRUS
L’État d’urgence et les dernières restrictions pourraient prendre fin le 14 mars, deux ans après que le gouvernement ait décrété l’état d’urgence, jour pour jour. Si vous pensez encore que les décisions du politique sont basées sur la science, j’ai un cousin qui a un super bon filon au Nigeria, mais j’ai besoin d’une avance de 10 000 $.
LES MÉDIAS
On a encore eu tout un point de presse sans que les mots « qualité de l’air » ou « ventilation » soient prononcés, alors que l'on combat un virus aérien depuis deux ans, que nos écoles sont des plats de Petri pour la reproduction du virus, et qu’on a battu des records pour les cas dans les CHSLD et résidences cet hiver.
Par contre, on a eu des questions sur la fin du port du masque, les manifs de camionneurs, le décret sanitaire et le trajet du REM…