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Oui, mais probablement que non

En ce moment, l’actualité déborde de gros dossiers. Gros dans le sens de «important», mais aussi dans le sens de «ça commence à être pas mal lourd dans le paysage québécois».

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Notre chroniqueur Alex Perron en a gros sur le coeur à propos de l'indécision chronique des Québécois. (Montage Noovo Info et image tirée de la Presse canadienne)

En ce moment, l’actualité déborde de gros dossiers. Gros dans le sens de «importants», mais aussi dans le sens de «ça commence à être pas mal lourd dans le paysage québécois». 

On n’a qu’à penser au tramway pas tant nommé désir de la ville de Québec ou son fameux 3e lien fantôme qui hante la colline Parlementaire. Sans compter le dossier des chevreuils du parc Michel-Chartrand de Longueuil qui ne cesse de rebondir comme un kangourou dans une clairière australienne. Ou le prolongement du REM vers on ne sait pas trop où et ni par quel chemin y arriver à travers les dédales de la cité de Montréal. Et n’oublions pas le Mont-Royal qui veut se transformer en SEPAQ urbaine.

Bref, il y a ben des chaudrons sur le poêle, mais peu de recettes ont abouti. Pourquoi? Parce qu’on ne se décide pas! On papote sans fin, sans jamais prendre de décision définitive. Comme on dit dans mon Charlevoix natal: on est des branleux.

Pour chacun des gros dossiers sur le feu, on se perd sans fin dans des trous noirs d’évaluations, des sondages de monsieur et madame tout le monde sous toutes les formes possibles, des comités d’experts experts, des comités d’experts en environnement, des comités d’hommes d’affaires experts, des syndicats experts, des comités de citoyens experts et des comités d’experts en toutes.

On va zieuter dans les autres villes du monde examiner comment ils ont procédé, on mesure, on calcule, on additionne, on soustrait, on produit des rapports aussi épais que feu le bottin de téléphone, on analyse ces rapports en caucus politique, on les analyse avec des experts de la télé à la télé, les mêmes comités qui les ont produits les analysent aussi, on fait des articles dans tous les journaux, des lettres ouvertes sont publiées, on redemande à tout monde ce qu’il en pense, on ajoute leurs nouvelles opinions aux anciennes et on brasse tout ça.

Finalement, on est su’l bord de prendre une grande décision et là, on se rend compte qu’on a trop attendu et que toutes nos analyses ne sont plus à jour et donc, retour à la case départ. On doit impérativement recommencer le processus (lire ici: retourner en haut du paragraphe).

Je suis bien conscient que les grands enjeux de notre société ne décident pas en un avant-midi en faisant deux trois croquis et de p’tits calculs sur une napkin dans un Tim Hortons en dégustant un sandwich Timatin. Bien sûr que non.

On doit interroger, s’interroger, sonder les gens, faire nos devoirs de faisabilité, rendre des comptes, avoir de bonnes discussions, être réaliste, être à l’écouter de tous et vouloir bien faire les choses pour notre société et les générations futures. Bref, faire rigoureusement notre boulot de décideur de gros projets.

Mais selon moi, il a une marge entre faire très bien son boulot de décideur de gros projets et s’interroger sans fin et ne jamais prendre cette fameuse décision irrévocable qui fera en sorte qu’on ira de l’avant ou pas. Comme si on craignait de faire un pas en avant.

Et pour moi, un pas en avant, c’est autant un projet qui aboutit qu’un autre qui meurt de sa belle mort. Parce que parfois, faire un pas en avant, c’est en reculant.

On tente toujours de satisfaire tout le monde. Ce qui est impossible. On est un peuple qui ne veut déplaire à personne en commençant par nous autres même. Lorsqu’on prendre des décisions importantes de société, il y a toujours des heureux et des insatisfaits. C’est inévitable. Le but étant qu’il y ait le plus de gens heureux avec le sourire. Ce qui, en soi, est déjà pas mal!

De ne jamais prendre de décision véritable, ça alimente le cynisme collectif. Ça amplifie le sarcasme sombre des «gences». Ça donne cette impression qu’on n’est jamais capable de scorer dans le but. Que rien n’arrive. On perd la confiance en ceux qui nous dirigent et en nos institutions.

On dit que notre sport national, c’est le hockey, mais je crois que, pas loin derrière, il y a celui de s’obstiner sans fin sur la place publique. On se sent perdu dans un labyrinthe de longues discussions qui se terminent le plus souvent par: «ben, on pense à tout ça et pis on s’en reparle».

Prenons nos décisions avec intelligence et discernement, mais décidons-nous. Il est temps de sortir de notre adolescence et de devenir des adultes responsables.