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«Depuis ce fameux matin, je me sens mal. Je m’en veux. Je suis un sans-cœur.»
Il y a plus d’une semaine, j’ai causé un traumatisme à une personne. Je ne sais pas encore si elle s’en est remise. En fait, je ne sais même pas si ce sera possible un jour de surmonter cette épreuve que je lui ai infligée. Depuis ce fameux matin, je me sens mal. Je m’en veux. Je suis un sans-cœur.
Encore une fois, ma saprée envie d’être le plus efficace possible et de ne pas perdre de temps pour rien m’a fait faire ce faux pas inexcusable. J’ai eu le mauvais réflexe d’appeler une personne directement sur son cellulaire sans l’avoir prévenu préalablement, sans lui avoir envoyé un message texte AVANT pour lui demander si je pouvais l’appeler. Elle m’aurait répondu par oui ou non.
Et selon sa réponse, aussi importante qu’un code de bombe nucléaire d’un général américain, j’aurais agi de la bonne façon.
Et ben non! JE L’AI APPELÉE DIRECTEMENT. De même. Comme un sauvage. Comme une vieille personne qui vit encore comme en 1982, du temps où on décrochait notre téléphone à roulette (vous irez voir des photos de la chose sur les interwebs) pour appeler une autre personne afin de lui parler.
La seconde où cette personne a décroché (déjà, je me compte chanceux qu’elle ne m’ait pas laissé aboutir dans sa boîte vocale), j’ai senti à son ton sec comme un biscuit Ritz que je venais de briser une convention établie depuis l’apparition des téléphones trop intelligents. Une loi que, visiblement, je ne respecte pas. Je suis un Dalton des appels téléphoniques.
Cela dit, notre appel s’est somme toute bien déroulé, mais avant de raccrocher, cette personne m’a quand même rappelé qu’elle préférait recevoir un texto avant de recevoir un appel direct. Et là, elle a terminé notre échange par la phrase qui a fait descendre le sang de mon cerveau dans mes chevilles: «j’ai trouvé ça un peu intrusif».
Intrusif? Ben voyons! Je t’ai appelé sur ton téléphone (qui je le rappelle, sert aussi à ça, entre deux Instagram). Je ne suis pas entré chez vous, sans cogner, pendant que tu prenais un bain de feuilles de valériane pour te jaser, ben assis sur le bol de toilette.
J’avoue que je ne comprends pas ce nouveau principe de demander la permission à quelqu’un avant de pouvoir lui faire un appel. Je veux dire, au pire, si ça ne te tente pas de me parler ou si tu es occupé à sauver un bébé chat pris dans un arbre, tu ne me réponds pas. Et c’est tout. En plus, maintenant, on sait qui nous appelle. C’est écrit sur notre super téléphone. Tu as même peut-être mis une photo de démon associé à mon numéro de téléphone. Ça ne peut être plus clair.
De nos jours, on a mille façons d’entrer en contact avec les autres, mais étrangement, on n’a jamais aussi peur de parler directement à un autre être humain. Qu’est-ce qui nous rend si mal à l’aise dans le contact direct entre personnes?
On se texte à la tonne, on s’envoie des messages sur les réseaux sociaux. Encore plus absurde, on s’envoie d’interminables messages vocaux, mais appeler spontanément quelqu’un pour lui parler de vive voix, ça, ça fait peur. Il me semble que c’est tellement plus le fun de se jaser avec nos voix.
Et combien de fois, dans un message texte, on ne sait pas comment interpréter un point d’exclamation ou une tournure de phrase. Bonjour le festival de l’ambiguïté!
Combien de chicanes de couple ont commencé par un trois petits points mal compris dans un message texte? Quand on se jase de vive voix, la plupart du temps, on comprend à l’intonation de l’autre, le vrai sens de ce qu’il veut nous dire.
Je comprends très bien que souvent, par besoin d’efficacité dans notre quotidien, l’envoi de textos et de messages vocaux nous facilitent la vie. Et c’est ben correct. Mais, on nous casse les oreilles à grands coups de «soyons authentiques», «reconnectons-nous», «j’ai envie d’honnêteté dans ma vie»!
Je suis d’accord. Mais, je pense que ça passe, entre autres, par être capable de survivre à un appel spontané de quelqu’un qui est important pour nous. Et aussi de celui d’un collègue de travail. Parfois, une bonne conversation téléphonique, ça peut éviter douze courriels aller-retour.
Je vous promets de faire attention et ne plus vous appeler sans avoir envoyé un faire-part, des signaux de fumée et un pigeon voyageur. En revanche, je sais très bien que j’aurais des rechutes, alors n’hésitez pas à bloquer mon numéro de cellulaire ou à déposer une plainte à la police pour harcèlement de sonnerie de téléphone.
Je plaiderai coupable.