La première fois que j’ai mis les pieds dans le Village, c’était une journée pluvieuse, mais magique. Je me rendais à la tour de Radio-Canada, et en chemin, ma mère et moi sommes arrêtés dans un Tim Hortons qui arborait fièrement un drapeau de la Fierté.
Je n’avais pas encore fait mon «coming out» et je me rappelle m’être dit qu’ici, on me comprendrait.
Je me rappelle aussi de ma première Fierté, avec les kiosques communautaires, les artistes drag, les boules multicolores disposées en dégradé reprenant les couleurs de l’arc-en-ciel ainsi que les commerces aussi variés que les bars et discothèques.
Mais depuis quelques années, j’ai mal à mon Village.
Encore hier, je me promenais de Berri à Dorion et le paysage qui s’offrait à moi était digne de l’apocalypse. Entre les cris, les charriots de déchets trainés à bout de bras et les multiples demandes pour de l’argent ou de la nourriture, j’en suis venu à me questionner sur ma sécurité.
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On a retiré ces boules colorées. Les commerces ferment les uns après les autres – le Couche-Tard et le café Starbucks étant certaines des dernières victimes d’un quartier qui s’atrophie. Les plaintes de bruit se succèdent. Et pendant ce temps, les personnes en situation d’itinérance s’entassent, laissées à elles-mêmes.
Le cœur battant de notre communauté perd peu à peu son souffle. Les bancs sont devenus des logis, les employé.e.s des commerces agissent à titre de gardes de sécurité pour leur clientèle, et des résidents du quartier le quittent, à bout de ressources.
Il ne s’agit pas d’être contre les personnes en situation d’itinérance ni de chasser qui que ce soit. Il s’agit de vivre ensemble. En sécurité. En dignité.
Aujourd’hui, le Village n’y arrive plus.
Le manque criant de financement aux organismes de soutien n’est pas une statistique: c’est notre réalité. La crise des opioïdes est bien réelle. Elle transforme nos rues en scènes d’abandon, où l’on se sent impuissant, parfois même menacé. Les campements démantelés et le manque de disponibilité d’hébergement laissent peu de choix à ces communautés à risque que d’errer dans les parcs publics, les rues, les entrées et les ruelles avoisinantes.
Et soyons honnêtes: si cette situation se déroulait ailleurs (au centre-ville, à Outremont ou sur le Plateau), des solutions auraient déjà été trouvées, particulièrement durant ce week-end festif de la F1.
En tant que membre de la communauté, je ne veux pas tourner le dos à mon quartier, mais je refuse aussi de baisser les yeux dans ses rues. Le Village de Montréal est né d’un besoin de regroupement et de communauté.
En ce mois de la Fierté, j’invite les citoyen·nes, les élu·es, les commerçant·es et les institutions à se mobiliser pour redonner au Village ce qu’il a toujours offert au reste du monde: un espace d’accueil, de solidarité, de lumière.
Le vivre-ensemble n’est pas un luxe, mais une nécessité.Et c’est une responsabilité partagée.
— Un résident inquiet, mais encore plein d’espoir

