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On passe devant l’agent qui, avec ses drapeaux, tente d’attirer dans le trafic des voitures vers le stationnement payant. Mon fils de 13 ans me dit : « . » Je lui réponds, mais au moins il a une job. Un endroit où aller. Une raison de se lever le matin. Des collègues, du monde qui bosse avec lui. La routine d’un travail n’est pas à négliger.
J’essaie de l’enseigner à mon ado qui à son âge est maintenant concerné par la chose. Doit-on faire travailler les enfants ? Cette question qui semblait scandaleuse jusqu’à aujourd'hui, est maintenant sur toutes les lèvres. Pénurie de main d’œuvre oblige, on dirait que du camionneur jusqu’à la serveuse en passant par le brigadier et la juge d’instruction, tout le monde occupera maintenant des fonctions à l’âge de mon fils. Mais ils sont où les gens ? Ben, ils sont morts. Ou ils sont partis. Ou ils ont pris leur retraite. Ou ils occupent d’autres formes d’emploi, mais en tout cas « employé demandé » est rendu un pléonasme.
J’ai « travaillotté » dans les dernières années. Très occupée à démarrer la vie de trois êtres humains, je leur ai donné toute mon attention. Le gros de mon temps, mon amour et jusqu’à mon sein. Je les ai bercés et nourris et cajolés. Je me suis réveillée des milliers de fois pendant des nuits qui ne finissaient plus de se faire interrompre. J’ai versé en eux des litres d’amour et de lumière maternelle au point où enfin, j’ai réussi. Le gâteau a levé. J’ai réussi la petite enfance de mes trois mômes et les voilà bien démarrés pour la vie.
Fiou, dis-je en m’essuyant le front. Bon, n’allez pas penser que je suis sotte ou naïve, je sais que ce contrat maternel ne se terminera que dans mon cercueil. Mais je sais aussi que la phase où ils avaient besoin de moi pour attacher un manteau et s’essuyer la bave du menton est achevée. Elle est terminée. Bien sûr, cela vient avec un deuil. Un deuil de leurs mains potelées et de leurs mots d’enfants et du regard du tout-petit qui découvre chaque parcelle de ce monde qui l’émerveille. Bien sûr. Mais ça vient aussi avec le retour d’une liberté. Je suis une femme de 40 ans qui a donné tout ce qu’elle avait à ses bébés et par leur nouvelle autonomie, je peux récupérer la mienne. Je peux enfin repenser à moi. Hahaha ! J’en ris tellement c’est incroyable. Si vous êtes à ma place ou l’avez aussi vécu, vous savez ce que c’est que le luxe de pouvoir à nouveau prendre une douche sans se faire déranger.
Si vous êtes présentement dans la phase ou le gros de vos jours sont offerts à une autre personne qu’à vous, que vous vous sentez écartelé par les demandes de votre vie professionnelle et personnelle ou qu’au contraire vous n’en pouvez plus que vos heures ne soient que le reflet de conversation de Pat’Patrouille, je suis ici pour vous dire que la vie c’est long. Qu’un moment, on aligne des petits pois sur une chaise haute pour un enfant qui déteste découvrir de nouveaux goûts et que celui d’après, on retrouve nos ailes. Un jour, le tourbillon de la petite enfance s’essouffle et on récupère un sens de soi et même sa tête et son corps !
On peut s’attarder à ce qui nous importe et même être fier de tout ce temps et cet amour qu’on a déversé dans nos petits. Ça y est, ils savent attacher leurs souliers ! Ils savent se rendre à l’école, ils ont des amis qui les aiment, ils connaissent la différence entre le bien et le mal. Ce boulot a été fait. Maintenant ça peut être mon tour. Je peux m’appliquer à faire aller ces drapeaux dans un stationnement ou organiser les fleurs d’un étalage ou répondre au service à la clientèle, ou gérer mon entreprise. Je peux siffler le travail. Enweille, au boulot.