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Le retour de la reine
Elle est ouverte. Enfin. La reine.
Elle trône sur le grand boulevard depuis 100 ans et elle porte en son sein l’avenir des écoliers depuis un siècle. Elle rythme la vie du quartier avec ses cloches comme le faisait jadis l’église. C’est elle qui dicte si l’on est un jour de semaine ou non. Elle a vu tous les enfants du bled apprendre à lire, dont certains ont maintenant plus de 90 ans. Comme les vieux arbres du parc, elle en a vu des choses.
Les retenues, les mitaines que l’on cherche, les portes de casiers qui claquent, les tous petits qui arrivent et les moins petits qui quitteront pour le grand secondaire.
L’école, c’est la reine de ma vie et de ma petite ville.
Quand elle a enfin rouvert après un mois, j’ai vu les parents de cette génération d’enfants s’entasser un peu incrédules devant la grille de la cour. Comme une autre rentrée scolaire, mais à -20 degrés. Et qu’avait-il été livré tout frais, tout blanc comme un cadeau de Noël en retard ? 25 gros centimètres de neige ! Fraîche ! Même pas piétinée. Comme si elle avait attendu patiemment les petites jambes comme un chien à la porte.
Y a-t-il quelque chose de plus joyeux qu’une cour d’école enneigée ? Qui sait mieux profiter de ce cinquième élément qu’est notre neige que les enfants ? Le sérieux avec lequel ils créent des blocs pour les forts, traînent leur butin dans un traîneau, protègent les précieux glaçons durement récoltés sur le côté d’une façade, des éventuels envahisseurs. Jouer dans la neige est presque une vocation.
Je longe souvent la cour aux détours de mes emplettes et j’essaie d’entrevoir les tuques que je connais. Mes petits sont-ils là ? Peut-être dans l’allée des ballons poires ? Qu’est-ce qu’ils font ? Et puis, oui, quand je les spotte, j’entends rapidement « Maman ! » et ils s’approchent de la grille comme des bébés singes.
Je sais que de nombreux parents sont inquiets ces temps-ci, l’avenir pourrait paraître moins incertain, disons, pour cette génération qu’on élève. Mais je sais que la joie prend le dessus sur les masques. Je sais qu’ils apprennent et sont avec leurs amis et font confiance au lien qu’ils ont avec leurs profs.
Bien souvent, malgré cette pandémie, grâce à l’école, nous arrivons aussi à leur offrir de grands pans de normalité.
Et j’en suis chaque jour reconnaissante.