Je le sais ben qu’un mois pour célébrer la Fierté, c’est beaucoup trop long. Trente jours. Trente longues journées non-stop. Au moins, si cela s’était déroulé en février, on aurait déjà économisé deux jours. Ben non. Fallait que ce soit en juin pour commémorer les émeutes de Stonewall à New York, le 28 juin 1969. Une vieille émeute qui a été un tournant dans la lutte des droits et de la visibilité des personnes LGBTQ+. Rien que ça. Come on. Revenez-en.
Et comme si ce n’était pas assez, c’est partout dans le monde, ce long mois-là de Fierté arc-en-ciel. PARTOUT SUL GLOBE. En plus, on continue d’utiliser les couleurs de l’arc-en-ciel. Pourtant, tout le monde sait bien que cela appartient maintenant à la pandémie et son slogan: ça va bien aller. Ben non. On ne lâche pas le morceau là-dessus non plus. On pousse même l’arrogance à se faire un long week-end de festivités en août. Même pas deux mois d’intervalle. On gosse solide.
Quand j’entends certaines personnes dirent: On en as-tu un mois de la Fierté hétérosexuelle, nous autres ? Eh bien, non. C’est vrai, vous n’en avez pas. Et je pense que la raison principale est simple et claire : c’est que vos droits fondamentaux et votre vie en générale ne sont pas menacés nulle part dans le monde. C’est quand même une nuance non négligeable.
Très honnêtement, je voudrais tellement m’en passer de ce mois-là. Je voudrais tellement ne pas en avoir besoin pour faire avancer les choses un petit pas à la fois. Je préférerais de loin que ce soit le mois de la guédille au homard. Aussi léger que ça.
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Mais, non. Plus que jamais, le mois de la Fierté est pertinent. Parce que l’intolérance s’est remise à gronder dans plusieurs endroits ont l’on pensait qu’on avait été accepté. Pas partout, mais à certains endroits sur la planète, on recule. Ça pince le cœur.
Je le sais bien que t’es écœuré de nous entendre radoter les mêmes affaires. Même moi, j’aurais tellement envie de changer de disque. Mais ce n’est pas encore possible. On n’est pas encore rendu à la fin du chemin de briques jaunes comme Dorothée dans Le magicien d’Oz. À la limite, ce n’est pas grave si tu ne me comprends pas, si tu n’aimes pas ma façon de vivre et d’être. C’est ben correct. Je peux vivre avec ça. Par contre, laisse-nous tranquilles.
Ce n’est pas parce que ça ne te convient pas, que tu n’es pas d’accord, que ce mois n’a pas sa place. Qu’on doive nous effacer. Je vais te faire une comparaison un peu boiteuse, mais je pense que l’image est claire : moi, je n’aime pas vraiment ça, la musique heavy metal. Mais jamais, je ne vais demander à ce que ça n’existe plus. Je fais juste passer mon chemin et je laisse ça à ceux qui adorent le métal. Et ça ne brime pas une seconde. Ma vie suit son cours sans problème.
Ne me dites pas non plus qu’on nous voit trop et partout. Je veux dire, vous les hétéros, on vous voit et on vous entend nous raconter vos vies depuis la nuit des temps et personne ne vous a dit de vous fermer la trappe et de prendre votre trou. On prend seulement notre place comme vous. La terre est assez grande pour tous nous contenir.
Et cela dit, si les hétéros avaient envie d’avoir un mois pour se célébrer, et bien go ! Ce n’est pas moi qui vais vous en empêcher. En fait, toutes les catégories de gens qui ressentent le besoin d’avoir leur mois de célébrations devraient le faire. Dans une année, il y a douze mois. On peut même se partager le mois de juin au besoin.
Évidemment mon texte d’aujourd’hui ne s’adresse pas à tout le monde. Je sais bien que la plupart des gens nous acceptent tels que nous sommes. Mais il y a plus de personnes qu’on pense qui grincent des dents en nous voyant. Si le chapeau te fait, essaie-le. De façon générale, depuis quelque temps sur la planète, l’intolérance prend plusieurs visages et plusieurs cibles. Pas seulement envers ma communauté. Elle se multiplie et se cristallise. On est de plus en plus dans les zones blanches ou noires que dans la zone grise. C’est préoccupant.
Mais, je suis un éternel optimiste. Je crois en la bonté de l’humain et je me dis qu’un moment donné le long mois de juin de la Fierté ne sera plus nécessaire…
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