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Comme vous tous, je viens de voir le point de presse du premier ministre François Legault. Comme plusieurs, j’ai des sentiments partagés sur cette annonce. Aurait-on pu l’éviter? Agit-il trop tard? Le couvre-feu est-il utile?
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Je suis tanné. Nous sommes tous collectivement tannés.
Je peux vous assurer que la cellule de crise gouvernementale l’est autant que nous. Cependant, le premier ministre et son équipe n’ont pas le choix d’agir lorsqu’ils sont confrontés aux récentes données et aux conséquences catastrophiques qu’elles annoncent. Plus de 16 000 cas et les hospitalisations en forte hausse, ce n'est rien pour rassurer le citoyen.
Couvre-feu, fin des rassemblements, restaurants fermés, fin des sports intérieurs et fermeture de commerces le dimanche sont les principaux éléments du médicament-choc que le gouvernement nous prescrit pour éviter un scénario «à l’italienne».
Ces mesures sont toutes impopulaires et à dix mois d’une élection générale, elles peuvent avoir des conséquences sur l’histoire d’amour sans précédent des Québécoises et des Québécois avec leur premier ministre et son gouvernement.
Monsieur Legault le sait et il devra aller dans son coffre à outils pour bonifier les mesures afin d’éviter que ces mesures aient des effets sur la prochaine élection.
Voici quelques-uns des outils qui, selon moi, serviront le premier ministre.
En reconnaissant que le couvre-feu avait pour but de forcer l’adhésion aux règles de confinement à la minorité qui ne les respecte pas, le premier ministre prend le risque de se faire accuser d’avoir cédé face à cette minorité et de faire payer la majorité.
Cependant, en l’assumant directement, il évite que cela devienne une attaque contre lui et en profite pour rappeler que les coupables sont les «rebelles».
Je suis de ceux qui croient que la transparence est un des facteurs de crédibilité les plus importants d’un porte-parole. La vulnérabilité qu’elle démontre et la franchise qu’elle illustre donnent confiance au public et créent une relation de proximité importante.
Celui qui «vous dit les choses telles qu’elles sont» sera moins facile à attaquer que celui qui «vous cache la vérité pour votre bien». Mais attention car ces jours-ci, les journalistes d'enquêtes sont à l'affut du moindre manquement.
Lors des attentats à la mosquée de Québec, il y’avait dans la cellule de crise de la ville une personne responsable du «retour à la normale». Cette personne se devait d’anticiper le moment et les caractéristiques de l’après-crise et permettait de s’assurer que, le moment venu, le retour à une certaine normalité soit bien planifié.
Même si nous pouvons nous demander de quoi la normalité sera faite et surtout s’il y aura «normalité» dans les prochaines semaines, il serait important pour la cellule de crise du gouvernement d’avoir ce même type de ressource et de la mettre en valeur.
Ce virus attaque par vague et alors que chaque vague entraîne des décisions réactives, le retour vers la «normale» nécessite des décisions proactives pour rassurer les gens et aussi pour corriger les ratés. Cela permettra alors de reprendre une communication plus positive qui démontre que le gouvernement est en contrôle. Pour l'instant, il est trop tôt mais le moment d’avoir ce signal du gouvernement approche rapidement et nous l’attendons tous avec impatience.
Lors du point de presse, la question a été posée au PM à savoir si Dr Arruda était encore la bonne personne. La réponse a été sans équivoque : «Oui», a laissé tomber monsieur Legault.
Toute autre réponse aurait été surprenante et irresponsable alors que nous sommes en pleine tempête et que les décisions graves sont prises actuellement sous ses recommandations. Cependant, cette question se retrouve de façon très répétitive sur les réseaux sociaux et devrait entraîner une réflexion sur le sujet.
D’un angle de communication et de rôle du porte-parole, il est essentiel d’analyser le niveau de confiance de la population envers ceux qui s’adressent à eux de façon quasi quotidienne depuis presque deux ans. Un peu comme le DG du Canadien doit agir lorsque son équipe ne performe plus ou qu’il veut éviter lui-même de mettre son poste en péril, le PM et son équipe devront certainement analyser si l’usure du temps et de la surexposition médiatique ne nécessite pas certains changements.
Sans remettre en question la compétence des intervenants, ni leur engagement, ni le travail qu’ils ont effectué depuis le début de la pandémie, il est possible qu’un changement de ton et de visage soit bénéfique. Disons-le crument, selon toute vraisemblance, le Dr Arruda est assis sur un siège éjectable et il pourrait s'avérer être le «changement» idéal, alors que le gouvernement entame son dernier droit avant les élections.
D’ailleurs, l’arrivée de Christian Dubé comme ministre de la Santé en juin 2020 est le meilleur exemple pour démontrer comment un changement du type peut avoir des effets positifs. Le même genre d’électrochoc sera certainement à analyser avec attention après cette vague qui s’avère la plus forte de toutes.
Soyons clair, un gouvernement ne devrait pas gérer pour gagner des élections, mais bien pour protéger le système de santé. D’ailleurs, c’est l’invitation que le premier ministre a lancée à tous les citoyennes et citoyens ce soir.
Cependant, s’il veut réaliser les changements politiques qu’il avait envie de faire avant son premier mandat, il devra en assurer un deuxième et pour ce faire, des décisions importantes devront être prises après la vague actuelle.
Après, ce sera à la population de décider.
-Victor Henriquez est un expert en communications, en affaires publiques et en gestion de crise. Il est associé principal chez Public Stratégies et conseils.