Chroniques

Le bar du Papillon sous un ciel bleu

«Ça jase! Ça rigole! Ça se cajole! Shooters!»

Mis à jour

Publié

(The Associated Press)

Ça fait déjà un bon moment que je fréquente le bar X. En fait, bien avant que son plus récent propriétaire change le nom. Avant, on l’appelait le bar Twitter.

L’affiche extérieure était cute, on y voyait un p’tit oiseau blanc sur fond bleu. Ça faisait très bucolique. La nouvelle affiche qui est apparue avec le nouveau nom est plus sombre. Un gros X blanc sur fond noir. Mais je m’en foutais parce que ce n’est pas l’affiche de la place qui compte, ce sont les gens qui la fréquentent.

Mais heureusement, même avec le changement de propriétaire, la clientèle n’avait pas tellement changé.

Il y avait toujours la même gang de chialeux sur tout et sur rien dans le coin de la machine à poker. Le groupe de journalistes assis à leur table devant leur portable, toujours à gosser de la nouvelle tout en sirotant la dernière bière de microbrasserie à saveur d’agrumes.

Les sportifs eux, effoirés dans la banquette devant la grosse télé 124 pouces, gueulent contre les joueurs du Canadien en vidant la machine à pop-corn qui n’a pas été nettoyée depuis 1998.

Et il y a les gens comme moi qui butinent un peu partout dans la place. Tantôt autour du bar principal, tantôt dans le coin de la table de pool ou du jeu de dard. Voguant d’une conversation légère à une autre sans trop se prendre la tête. Des petites abeilles qui butinent au gré du moment.

Peu de gens trippent sur le nouveau proprio, mais on l’endure parce qu’on aime notre bar. On est des habitués comme ils disent dans la profession de tavernier. Et une habitude crasse, c’est ben long à changer.

Et v’là tu pas qu’on se rend compte qu’un autre bar vient tout juste d’ouvrir de l’autre bord de la rue. Le bar du Papillon sur un ciel bleu. En fait, ça fait déjà un bout qu’il est ouvert, mais comme peu de gens le fréquentait, on trouvait que ça manquait d’ambiance. Faque, on n’y allait pas vraiment.

Mais un bon mardi soir, il y a comme eu un gros ras-le-bol collectif à propos du propriétaire du X pis de sa gang. Une bonne partie de la clientèle a eu envie de traverser la rue pour voir si la bière était meilleure dans le nouveau bar. Et un peu aussi pour faire un gros doigt d’honneur au propriétaire du X.

Et là, comme une digue de castor qui cède, ça s’est mis à déborder dans le bar du Papillon. L’effet d’entraînement comme disent les spécialistes. C’est la fête au village. Comme à chaque fois qu’on découvre un nouvel endroit, c’est la joie, les confettis et les feux d’artifice. C’est tellement mieux que l’ambiance dans notre ancien bar. Pourquoi on n’est pas venu avant ? On est donc ben gnochons.

Tout à coup, on retrouve des gens qu’on n’avait pas vus depuis un bon moment. Ils ont décidé de recommencer à sortir depuis qu’ils ont entendu parler du nouveau bar. On redécouvre d’autres personnes comme si on ne les connaissait pas avant. Les journalistes et les sportifs ont suivi.

Et on a du fun! Ça jase! Ça rigole! Ça se cajole! Shooters!

Bien entendu, tant qu’à changer de place, on a voulu faire du ménage, ça fait qu’on a ben avisé le gros portier de ne pas laisser entrer la gang de chialeux qui bavassaient dans le coin de la machine à poker. À date, ça fonctionne. Mais jusqu’à quand?

Dans le fond, un bar, c’est un bar. C’est juste un endroit commun. Ce qui fait qu’on y retourne, Ce sont les gens qu’on y retrouve. C’est la qualité de la clientèle.

Dans un monde idéal, on se ferait un bar juste avec ceux qu’on aime et avec qui on a plus de points en commun que de divergences. Mais un bar, c’est public, c’est pour tous. Ce qui fait qu’inévitablement, on finit par tomber sur des personnes avec qui ça ne connecte pas.

Il y a toujours un client qui finit par contourner le portier et qui débarque au milieu de la place pour juste foutre la merde. C’est dans la nature de l’espèce humaine.

En même temps, je suis un éternel optimiste, peut-être que cette fois-ci ce sera différent. Du moins pour un temps.

En attendant, je vais aller me descendre une bonne bière fraîche avec ma nouvelle ancienne gang. Santé!