Chroniques

La F1 est un sport toxique

J’ai juste vraiment du mal à comprendre toutes les activités qui impliquent de dépenser de l’essence pour nous divertir.

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(Associated Press)

Ça me jette à terre qu’en 2023, alors que le ministre Bonnardel demande aux citoyens de certaines régions du Québec de fermer leurs fenêtres à cause de la mauvaise qualité de l’air, on trouve ça correct de regarder des voitures tourner en rond sur une piste de course.

Je n’ai rien contre les gens qui aiment la F1 et je suis moi-même attachée aux figures légendaires que sont Gilles Villeneuve ou Michael Schumacher. On a grandi en les regardant. C’est normal de les aimer. Je vais d’ailleurs me faire un plaisir de regarder le documentaire sur la rivalité Villeneuve-Pironi. Mais, pour moi, le culte de la F1 appartient au passé.  

Brûler du gaz

Puisque je ne suis pas une résidente de Saint-Lambert, je passe sous silence le bruit que génère le Grand Prix. J’ai juste vraiment du mal à comprendre toutes les activités qui impliquent de dépenser de l’essence pour nous divertir.

Encore le week-end dernier, deux F-18 ont survolé Montréal pour souligner le début de saison des Alouettes. Ça n’a aucun sens d’un point de vue économique et écologique. On ne devrait plus permettre ça.

Je sais que les organisateurs du Grand Prix se sont engagés à avoir des événements carboneutres d’ici 2030. Ray Lalonde m’apprenait hier aux Débatteurs que ce ne sont pas nécessairement les voitures qui polluent le plus, mais bien le transport des infrastructures pour permettre la tenue de l’évènement. Il précisait aussi qu’il était très probable que l’objectif soit respecté. Tant mieux, mais la question écologique n’est pas la seule ombre qui plane sur la F1.

Une culture discutable

La culture de la F1 c’est quoi? C’est le culte de la richesse, de la vitesse et du paraître. Ce sport réunit tous les clichés de la masculinité toxique pendant une fin de semaine: champagne, belles femmes, richesse et voitures de luxe. Et lâchez-moi avec les retombées économiques et le tourisme.

Ce n’est plus un secret, la Ville de Montréal et les deux paliers de gouvernements ont mené des études indépendantes qui ont démontré que l’évènement était beaucoup moins rentable que ce que l’organisation nous a fait miroiter au départ.

«Les gouvernements perdent chaque année environ 10 millions avec le Grand Prix du Canada. Ils paient 18,7 millions par an pour présenter la course. En contrepartie, l’évènement génère 8,1 millions en revenus fiscaux. Il y a donc un manque à gagner de 10,6 millions, selon la dernière étude de retombées du Grand Prix qui se base sur l’année 2015.»
-Article de Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse

Alors oui, ça attire les touristes, mais ça nous coûte aussi très cher. Là, on est «pogné» avec le Grand Prix jusqu’en 2030, mais je refuse de croire que Montréal ne sera pas capable, dans un futur proche, d’attirer les touristes en hébergeant un autre événement de calibre international.

Parlons-en de la crowd que ça nous amène, justement. Quand je travaillais dans les bars et les restaurants de la métropole, la fin de semaine de la F1 était mon pire cauchemar.

On se faisait traiter comme des morceaux de viande parce que, ce qu’on vend aux touristes qui viennent à Montréal pour des événements sportifs, c’est que les Montréalaises sont de la marchandise.

Je précise au passage que c’est faux de penser que tous les restaurateurs rêvent de voir débarquer la clientèle de la F1 (et tout ce qui vient avec) dans leurs établissements.  

Et si certains hôteliers et restaurateurs ferment les yeux, d’autres en ont vraiment marre. Est-ce vraiment l’image qu’on veut pour Montréal à l’international? Une ville où c’est OK de fêter sans limites et de consommer des jeunes femmes au passage? Et posons-nous la question: l’industrie du sexe et le crime organisé sont-ils partie prenante de la culture du Grand Prix?

Je sais, plusieurs travailleuses du sexe sont hyper contentes de travailler au Grand Prix et elles sont 100% consentantes. Grand bien leur en fasse. Mais il y en a aussi une bonne trâlée qui sont exploitées solide.

Avez-vous vu le film Noémie dit oui? Je vous le conseille. Ça remet les choses en perspective, disons.

On se rappelle aussi que plusieurs écuries ont des intérêts communs avec des pays comme l’Arabie Saoudite et le Qatar.

Ces pays sont de véritables champions de «laver par le sport» le fait qu’ils violent allègrement les droits de la personne. Ce n’est pas pour rien qu’ils hébergent désormais plusieurs équipes de foot, le sport le plus populaire au monde.  

La F1, je crois, devrait appartenir au passé. On est rendus ailleurs. Je pense qu’on mérite mieux, comme ville et comme société, qu’un événement basé sur le «bling bling» et l’exploitation des humains et des ressources naturelles. 

Geneviève Pettersen

Geneviève Pettersen

Chroniqueuse