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«La scène culturelle est-elle prête à recommencer à bouillonner comme auparavant?»
Mardi, après les annonces du gouvernement, la frénésie a pris d’assaut le petit monde des industries culturelles et disons-le, l’excitation était à son comble.
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Enfin, les shows reviennent !
On va pouvoir danser à partir du 14 mars !
On pourra se rendre dans les bars !
Ça veut surtout dire que l’on retrouve notre culture, comme elle était dans la vie d’avant!
Mais la question (bêtement terre-à-terre) est venue du responsable des chroniqueurs, qui lui ne fait pas partie du groupe de personnes que je vois sans arrêt sur mes réseaux sociaux.
Il est arrivé avec un autre point de vue, vieux grognon qu’il est.
«Après ces deux années un peu folles, es-tu certaine que la culture est "alive, well and kicking?"»
Excellente question, Michel (c’est son nom). Est-ce que les acteurs culturels sont prêts à revenir? Dans l’espèce d’enthousiasme collectif, avons-nous oublié de sonder les principaux intéressés? La scène culturelle est-elle prête à recommencer à bouillonner comme auparavant?
En discussion avec Chloé El-Sayegh, relationniste chez Bonsound et amie de longue date, la réponse est claire : «Est-ce qu’on peut être alive and kicking et burned out? C’est les deux genres, rien entre les deux!» Il y a ce sentiment intense d’épuisement, malgré le désir de vouloir continuer à avancer chez les gens de la scène.
Ça se sent dans les conversations que j’ai eues avec plusieurs intervenants. Je recueille le même son de cloche chez Philippe Larocque de chez Mothland, avec qui j’avais parlé fin décembre. Il est toujours kicking, mais tired. Après avoir tout fait pour tenir le fort au Taverne Tour, un festival de musique émergente à Montréal, en virtuel plutôt qu’en présentiel, la fatigue l’emporte.
«On est un peu en mode "on va y croire quand on va le voir!" On s’était fait dire que c’était la bonne en novembre. Finalement, nous étions un des seuls endroits au monde à avoir un couvre-feu au jour de l’An.
Le va-et-vient dans les consignes du gouvernement Legault a laissé les acteurs de notre scène culturelle amers. Très amers. Et ils ne sont pas les seuls à se sentir ainsi: la frustration se fait ressentir chez les artistes internationaux qui ont dû reporter leurs spectacles à plusieurs reprises au Québec (ce n’est pas moi qui le dis, mais Nick Farkas, vice-président principal à la programmation chez Evenko, avec 11 autres noms de l’industrie). Pourquoi aurais-tu le goût de venir jouer au Québec quand les salles sont à moitié vides, consigne sanitaire oblige, que tes fans ne peuvent même pas danser et que tu ne sais même pas si ton concert sera annulé? Le risque est si grand que les artistes de l’extérieur passent par-dessus La Belle Province et se dirigent plutôt vers Burlington, au Vermont.
Mais il y a un peu d’espoir quand même. Pour Erik Leijon, journaliste musical anglophone et vrai connaisseur de la culture locale, tout est prêt pour que la machine culturelle redémarre. Tout le monde a survécu, c’est le moment de saisir la balle au bond.
«Les concerts sont prêts pour y aller. C’est facile à mettre sur place. Ce sont les plus grands évènements qui seront un peu plus lents à relancer. Je pense aussi que les plus jeunes sont prêts à revenir, mais il faudra convaincre les plus vieux qui sont plus réticents. Je comprends le sentiment de méfiance des acteurs de la scène, par exemple. Les fermetures ont sérieusement entamé la confiance des intervenants de la scène culturelle.»
Malgré le mauvais jeu de yo-yo, tout le monde a hâte. Erik a des billets pour un concert le 16 mars, l’équipe de Bonsound se prépare pour les évènements internationaux et Philippe dit que son label se concentre sur ses artistes et les shows à venir ici, afin de remonter la pente des dernières années.
Lui, personnellement, prépare des soirées où il sera DJ au bar L’Escogriffe.
«Je veux faire une soirée dub, punk et reggae!»
Il n’a pas eu besoin d’en dire plus, c’est clair que je serai là pour son évènement.
Mais, pour répondre à ta question Michel, la culture est très épuisée. Très. Mais elle est toujours «alive and kicking» et prête à affronter 2022.