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«Traumavertissement»: violence conjugale.
J’ai chroniqué sur l’histoire de Nancy Boucher au printemps dernier. Elle avait voulu me raconter le calvaire subit aux mains de son ex-conjoint, Jonathan Blanchet. Coups de tête, coups de poing, étranglements, coercition et côtes cassées. Voilà un échantillon de ce qu’a enduré Nancy les quatre années où elle a été en relation avec ce sombre personnage. « Il m’a même uriné dessus », a-t-elle tenue à me rappeler lors de notre conversation téléphonique.
Si Nancy Boucher m’a écrit, cette semaine, pour me tenir au courant des derniers développements de son histoire, c’est parce que ça ne finit plus de finir, comme on dit. Nancy ne peut pas se concentrer sur sa guérison. Non. Elle doit se battre contre l’appareil judiciaire afin que Jonathan Blanchet purge sa peine et ait des conditions qui l’empêchent de l’approcher ou d’entrer en contact avec elle.
L’agresseur de Nancy a été libéré le 29 juillet dernier, aux deux tiers de sa peine. Là, vous êtes en train de vous dire que ce n’est pas beaucoup considérant les gestes qu’on lui reproche. C’est vrai, et si on tient compte du fait qu’il a récidivé plusieurs fois et qu’il avait déjà un lourd dossier en matière de voie de faits, c’est encore plus crève-cœur.
Nancy Boucher a envoyé cette photo de ses blessures à la chroniqueuse de Noovo Info Geneviève Pettersen.
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Mais ça ne s’arrête pas là. Jonathan Blanchet a bien failli être libéré en février dernier. Ce serait arrivé si Nancy n’avait pas constaté une erreur dans la date de libération. Voyez-vous, les autorités carcérales n’ont d’autre choix que de téléphoner à madame lorsque monsieur sort de prison. « J’ai été pas mal surprise quand j’ai eu l’appel, cet hiver. C’était clair pour moi qu’il y avait une erreur. Ça ne se pouvait pas. »
Cinq mois et trois semaines. C’est le temps retranché à la peine de Jonathan Blanchet en raison d’une erreur dans la transcription des rôles. Et personne ne s’était rendu compte de ça. Sauf madame Boucher. Ce n’est pourtant qu’un mois et demi plus tard qu’on a enfin avoué la faute à Nancy et qu’on a corrigé le tir.
« Si je m’étais fiée à eux, il serait sorti ! Te dire, réalises-tu ? Pour moi, chaque mois compte. » - Nancy Boucher
Nancy me raconte tout ça et précise à plusieurs reprises qu’elle n’est pas en train de vouloir se venger de Jonathan. « J’en ai fini avec lui. » Si elle désire prendre la parole, c’est qu’elle veut désormais se consacrer à dénoncer à ce qu’elle qualifie de dérive des procédures judiciaires en termes de violence conjugale.
Madame Boucher veut aider les femmes qui n’ont pas de voix et/ou qui n’ont peut-être pas sa force. Et elle les comprend, ces femmes-là. « Ce ne sont pas toutes les victimes qui peuvent se permettre de manquer le travail pour se présenter plus de vingt fois au tribunal. Ce sont souvent des femmes monoparentales en plus, et certaines n’ont pas beaucoup de moyens financiers. »
Ce que voudrait Nancy, au fond, c’est que les personnes victimes de violence conjugale soient entendues et respectées. « Le combat que j’ai mené et que je mène encore reste à mes yeux l’une des pires épreuves qu’une femme peut traverser. Faire emprisonner l’homme qu’on aime et qui est censé nous protéger, pas nous battre, c’est terrible. »
J’ai demandé à madame Boucher si elle pensait que la mise en place d’un tribunal spécialisé allait changer les choses. Il y a eu un long silence. « Comment ces hommes peuvent-ils bénéficier d’autant de façons pour se dérober de leur sentence ? Est-ce qu’il y a quelqu’un qui met une limite ? » C’est à mon tour de me taire. Je ne sais pas quoi lui répondre.
Je sais que, pour certaines victimes, ça se passe très bien. Mais il y a encore trop de Nancy Boucher. Comment ça se fait que Jonathan Blanchet ait pu bénéficier d’une vingtaine de remises ? Comment ça se fait qu’on ait géré sa libération avec aussi peu de rigueur ? Et surtout, comment ça se fait qu’il n’ait aucune condition malgré le lourd dossier de monsieur et plusieurs récidives ? Je souligne au passage que Jonathan n’a jamais à ce jour complété la thérapie pour hommes violents qui lui a été imposé par la Cour.
Je le répète, au lieu de panser ses blessures physiques et psychologiques, Nancy doit consacrer son énergie à obtenir un interdit de contact. Pour se sentir en sécurité. « Au final, je vais avoir eu la même sentence que lui. Parce que je suis toujours en train de me battre. C’est sans fin. »
Si vous êtes victime de violence conjugale, contactez SOS Violence conjugale au 1 800 363-9010/consultez le https://sosviolenceconjugale.ca/fr