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La question de la haine sur les réseaux sociaux, particulièrement lorsqu’elle est dirigée vers des politiciens et des journalistes, a beaucoup fait jaser au cours des derniers jours.
On n’a qu’à penser à cet homme qui a apostrophé la vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland en Alberta. Ou encore aux menaces qu’a reçues la députée sortante du Parti libéral Marwah Rizqy, qui est également enceinte de 8 mois, en pleine campagne électorale provinciale. Ce n’est pas sans rappeler l’attentat politique au Métropolis qui a fait un mort le 4 septembre 2012, il y a 10 ans, lors de l’élection de la toute première ministre du Québec, Pauline Marois. Tout récemment, l’Association canadienne des journalistes signait une lettre ouverte destinée au premier ministre du Canada, Justin Trudeau, pour lui demander d’agir avec fermeté pour enrayer ce problème social.
Toutefois, cette problématique n’est pas l’apanage du Québec ou du Canada. C’est une tendance observable dans de nombreux pays du monde, comme en fait foi le documentaire Je vous salue salope : la misogynie au temps du numérique, de Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist qui prendra l’affiche cette semaine au Québec. La tentative d’assassinat de la vice-présidente de l’Argentine, Cristina Kirchner, il y a quelques jours à peine, en est un autre exemple.
Or, les plus grandes victimes de cette violence ont une couleur et un genre. Malheureusement, elle cible de manière disproportionnée les femmes et les personnes racisées. Une étude réalisée par Amnesty International en 2018 avait mis en lumière que les premières cibles des injures sur Twitter sont les femmes noires, politiciennes et journalistes. Selon l’organisation de défense des droits de la personne, un tweet sur dix ciblant ces femmes est injurieux ou problématique.
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, cette fâcheuse tendance ne semble pas tarir, bien au contraire. La population en général en subit les contrecoups également. Statistique Canada a observé une hausse de 27 % des crimes haineux au Canada au cours de l’année 2021.
Il est faux de prétendre que cette haine n’est contenue sur le web. Elle traverse les frontières de l’Internet pour avoir des répercussions dans la « vraie vie » de personnes, ne serait-ce que sur leur santé mentale ou encore leur sentiment de sécurité. Craindre pour sa sécurité ou pour son intégrité physique ne devrait pas faire partie de la « description de tâches » de n’importe quel emploi. Cela vaut également pour les personnalités publiques de tout acabit.
L’impact délétère de ce climat social se répercute sur la qualité des débats, la diversité des opinions ainsi que le profil des personnes qui voudront se jeter dans l’arène politique ou journalistique. Cela refroidit les ardeurs de personnes de grande qualité qui ont pourtant des choses à dire et des propositions intéressantes à mettre sur la table pour le plus grand bien de tous et toutes. Elle pousse également des personnes de talent vers la « porte de sortie » du débat public lorsqu’elles y sont déjà présentes. Ultimement, c’est notre démocratie qui va en payer le prix.
Que faire donc face à cette problématique décriée depuis plusieurs années ?
Bien que toutes les formations politiques se doivent « d’élever » le débat, même en temps de campagne électorale, je ne crois pas que de pointer du doigt des individus en particulier est gagnant pour calmer la grogne d’une certaine frange de la population.
Notamment, l’UNESCO propose de préciser ce qu’on entend par discours haineux, définition qui fait d’ailleurs polémique, en mettant l’accent sur la peur ou le danger sous-jacent à certains discours problématiques plutôt que la simple critique.
On devrait également exiger des grandes plateformes comme Facebook et Twitter d’être plus réactives en la matière et qu’elles améliorent leurs mécanismes de signalement et de dénonciation. Considérant que ces plateformes ont accès à une très grande quantité d’informations et que celles-ci sont principalement utilisées à des fins publicitaires et commerciales, qu’est-ce qui empêche de mettre en place des mécanismes apparentés pour déceler des discours haineux ainsi que ses principaux instigateurs ?
En outre, il m’apparaît clair que la prévention est également de mise pour enseigner aux jeunes et moins jeunes les conséquences potentielles morales et juridiques de leurs propos tenus sur les médias sociaux.
Le gouvernement fédéral avait un projet de loi sur la table qui impliquait notamment la police et des changements au Code criminel. De plus, il est vrai que les victimes de ces crimes devraient être reconnues comme des victimes d’actes criminels et recevoir le soutien de l’État qui s’impose dans un tel cas de figure. Toutefois, si les causes de ce fléau sont multidimensionnelles, les réponses pour l’endiguer doivent l’être tout autant.