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Là où le débat dérape, c’est que le CH semble être devenu le symbole du déclin du français au Québec, alors qu'au fond, il n’en est rien.
Le Canadien de Montréal a choisi son 18e directeur général de son histoire. Comme c’est le cas pour toutes les décisions importantes que prend le club sportif le plus connu et suivi au Québec, ce choix a soulevé les passions.
Si les critiques à l’égard du choix de Kent Hughes comme fer de lance de la relance de l’équipe pouvaient difficilement se baser sur les compétences de l’homme, puisqu’il compte plus de 25 ans de métiers dans le monde du hockey professionnel, ces critiques se basaient sur d’autres aspects de sa personne.
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Pour certains, Hughes est un inconnu. Malgré ses nombreux contacts dans la Ligue nationale de hockey, il n’avait pas la notoriété d’autres candidats tels Mathieu Darche, ancien joueur de la LNH et des Canadiens de Montréal, maintenant adjoint avec le Lightning de Tampa Bay. Il n’avait pas non plus la réputation d’un autre ancien joueur de la LNH et du club montréalais, maintenant membre de l’organigramme des Flyers de Philadelphie, Daniel Brière.
Selon ce qu'en disent les médias spécialisés, ces deux hommes étaient parmi les finalistes au poste de maître d’œuvre de la relance de la Sainte-Flanelle. Hughes n’avait certainement pas non plus l’aura d’un certain Patrick Roy auprès des partisans de l’équipe.
Cependant, une fois son CV épluché, il faut se rendre à l’évidence que Kent Hughes est un candidat plus que qualifié pour le poste le plus convoité dans l’état-major d’un club de hockey professionnel.
Ce qui m’amène à vous parler d’une critique qui peut sembler plus ou moins incongrue à l’égard de Kent Hughes : son patronyme. Pour certains partisans et certains membres des médias, il aurait été préférable pour les Canadiens de Montréal d’engager un dirigeant avec un patronyme à la consonance plus francophone. Pourquoi ? Parce que pour eux le Club de Hockey Canadien est historiquement le club des francophones.
Cependant, il y a plusieurs problèmes avec cet argumentaire.
D’abord, même si les Canadiens de Montréal ont été créés en 1909 pour donner plus de places aux francophones et qu’au cours de l’histoire cette équipe a été mise en valeur par plusieurs vedettes francophones et vice versa, il est intéressant de noter que l’équipe a été fondée par un anglophone. De plus cette équipe a été et est encore supportée par des partisans de partout au pays (et sur la planète) qui ne sont pas tous francophones ou francophiles.
Oui le Canadien est le club des francophones, mais il ne l’est pas exclusivement. S’il est important que le directeur général du club parle français, est-il nécessaire que ce soit sa langue première ? Pourtant l’équipe a déjà été dirigée par des DG bilingues et même certains qui n’étaient pas québécois.
On pourrait également débattre longtemps sur la nécessité pour les Glorieux (ou anciennement glorieux) de faire plus de place aux francophones puisqu’ils seraient théoriquement désavantagés de par leur langue maternelle dans le milieu anglophone qu’est la LNH.
Là où le débat dérape, c’est que le CH semble être devenu le symbole du déclin du français au Québec, alors que dans le fond il n’en est rien.
Le français régresse au Québec, en fait à Montréal surtout. C’est un problème connu et reconnu. Là où les avis divergent, c’est au niveau des solutions pour freiner la régression du français.
Comme dans tout débat, les partisans d’une position ou de l’autre cherchent des symboles et quoi de mieux que le club sportif le plus en vue et l’une des entreprises les plus connues au Québec, le Canadien de Montréal. Depuis des lunes, le club de hockey montréalais est devenu le terrain de bataille de prétentions politiques et culturelles de nombreux partisans et membres des médias. On insiste sur le fait que les membres de l’organisation qui s’adressent le plus souvent aux médias et qui sont les visages les plus connus de l’équipe, le DG et l’entraîneur doivent parler français. Soit.
S’il est souhaitable que les membres de l’état-major des Canadiens de Montréal français, pourquoi ne pas plutôt exiger qu’ils apprennent le français, comme l’ont fait les Robinson, Gainey et Dryden durant la glorieuse époque de l’équipe ? Et pourquoi en cours de route les exigences, certains insistant maintenant pour que le français soit la langue première des dirigeants ou que le patronyme du DG soit francophone ?
C’est là qu’on dérape et qu’on oublie que le but premier d’un club sportif est d’abord et avant tout la victoire.
Photo: En 2007, le Canada a retiré les numéros 19 et 23 de Larry Robinson (à gauche) et de Bob Gainey, deux des plus grandes vedettes anglophones de l'histoire du club. Crédit: Ryan Remiorz / La Presse canadienne
Comment peut-on expliquer de telles attentes envers le Canadien ? Y a-t-il un lien à faire avec l’image du « méchant patron anglais » aux mains duquel les employés francophones ont tant souffert ? Ou peut-être que certains se rappellent la proverbiale caissière de chez Eaton qui ne parlait qu’anglais et ne pouvaient servir les clients francophones dans leur langue ? Probablement.
Il faut simplement se rappeler que les Canadiens de Montréal évoluent dans un milieu résolument anglophone : la Ligue nationale de hockey. Malgré tous ses ancrages culturel et historique, le club est d’abord et avant tout une entreprise. Si le Club doit comprendre et respecter son marché, le marché doit également comprendre dans quelle industrie évolue le club qu’il vénère.
Également, si on souhaite que les dirigeants d’entreprises établies au Québec parlent français et qu’on se désole qu’un Michael Rousseau ne parle même pas français (malgré 14 ans comme résident de la province), il faut se réjouir qu’un Kent Hughes, qui est né et a grandi dans l’ouest de Montréal, s’exprime dans un excellent français. Et ce même après 20 ans passés à vivre aux États-Unis.
Lorsque je lis que « ça aurait été un plus si [le nom du DG] l’avait identifié comme francophone sans avoir à fouiller on CV », je me dis qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire. Mais surtout, je plains tous les Québécois avec un nom d’une autre consonance que francophone qui doivent envoyer des CV.