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Je m’excuse, j’habite en appartement. Je suis en train d’échouer au rêve américain. J’élève mes enfants dans un 5 et demi. Je suis clairement folle ou malade ou stupide. J’ai pas de double garage, j’ai pas de chien blond, j’ai même pas de char !
Je m’excuse, j’habite en appartement. Je suis en train d’échouer au rêve américain. J’élève mes enfants dans un 5 et demi. Je suis clairement folle ou malade ou stupide. J’ai pas de double garage, j’ai pas de chien blond, j’ai même pas de char ! À l’aide, comment je fais pour avoir trois enfants si j’ai pas de VUS ?
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« C’est quoi ? T’aimes pas ça aller chez Ikea ? » Oui, mais ils livrent. « Ton épicerie, hein ? T’aimes pas ça ramener chez vous les soupers que tu vas manger dans 10 jours ? » J’achète le repas à pied 20 minutes avant qu’on le mange. « Pis tes parents qui habitent dans le nord ? » Je loue une auto pour les voir. « Mais si les petits veulent faire un sport !? » J’en ai un qui fait du soccer, il y va à vélo. L’autre fait du judo, il y va à pied. « Mais le hockey ! S’ils veulent faire du hockey ! » Y’en font l’hiver dehors au parc ou dans les ruelles. « Mais pour aller au travail !?? » Mon mari prend le transport en commun, je travaille à la maison. Pour le reste on prend Communauto.
Je continue ? J’habite en appartement et on n’a pas de voiture. Cette vie existe, mais je passe mon temps à me justifier (aussi à moi-même). Mes fils dorment dans la même chambre depuis qu’ils sont nés, ils ont maintenant 10 et 12 ans. Est-ce que je préférerais qu’ils aient chacun leur chambre ? Oui. Est-ce qu’ils demanderaient à dormir ensemble même s’ils avaient leur chambre ? Probablement. Est-ce que je préférerais avoir une grande maison dans mon quartier ? Oui. MAIS ça coûte plus d’un million de dollars et je refuse de penser qu’il est primordial d’avoir une grosse maison et une ou deux voir un jour trois voitures pour élever des enfants. La vie familiale urbaine n’est pas un échec, elle est juste différente. Voire géniale ! Mais on dirait que la société (lire : le marketing des 50 dernières années) m’appuie dessus pour que je parte en banlieue. Comment puis-je OSER ne pas céder à la tentation d’avoir plusieurs étages ? 1000 pieds carrés à 5 ? Ça va pas ?
D’abord, sais-tu combien d’humains dans le monde vivent de même ? (Et là je ne parle pas des gens qui vivent dans la misère, je parle des Européens). La vérité, c’est que je n’élève pas mes enfants dans un appartement, je les élève dans un quartier. En ça, ils grandissent à Versailles. Y a même un parc dans leur maison. L’espace qu’on n’a pas en dedans, on le trouve dehors. Ce que j’aime de mon coin de ville, c’est qu’il est vieux. Ça fait CENT ANS que des enfants quittent le logement que j’habite et marchent jusqu’à l’école du coin. Cette méthode est éprouvée. Elle fonctionne. Ceux qui se battent pour maintenir et reproduire cette vie de quartier, ces écosystèmes où s’installent des familles qui finissent par se connaître et élever les enfants des autres, ont compris. Si ça n’était que de moi je fermerais les ponts et piétoniserais toute l’île l’été. Je mettrais des terrasses et des vélos partout. Juste pour montrer ce que la vie de quartier peut faire. Je vous gage qu’on s’excuserait pas mal moins de ne pas céder au « rêve américain ».