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Je sais, je sais, ça fait 4 jours qu’on parle des frasques de Guillaume Lemay-Thivierge aux Gémeaux. J’étais dans la salle, et c’est vrai que ce fût un passage fort malaisant.
En plus, il a coupé sans le savoir l’herbe sous le pied d’Ingrid Falaise et de Léa Clermont-Dion. Elles s’en venaient parler de documentaires. C’est très dommage qu’à cause du manque d’élégance de Guillaume et de son petit règlement de compte égocentrique, ces femmes-là n’aient pas eu la parole.
Maintenant qu’on a dit ça, moi c’est le discours de remerciement de Bianca Gervais et de Sébastien Diaz qui m’a laissée sans voix. Quand les deux habitués des statuettes se sont avancés pour faire leurs remerciements, le couple s’est mis à faire la genèse de leur émission, Format familial. Avec un aplomb incroyable et une candeur très touchante, ils ont confié au micro avoir décidé de foncer parce que Bianca était enceinte.
Bianca Gervais et Sébastien Diaz aux prix Gémeaux le 18 septembre 2022. Crédit: Evan Buhler/La Presse canadienne
Pourquoi ? Parce que l’actrice avait peur de ne plus avoir de rôle. Une grossesse, pour une actrice, c’est la mort. Ce sont ses mots. Elle a enchaîné en disant qu’elle en avait perdu des rôles, à cause de sa maternité, que certaines productions trouvaient ça compliqué, les femmes enceintes, notamment à cause des scènes d’intimité.
Son chum a continué en disant que c’était en réaction à tout ceci que le couple avait mis en branle Format familial et que c’était vrai qu’elle avait perdu des contrats. Ils ont conclu de belle façon en sommant les gens (de l’industrie, je présume) de faire des bébés.
J’ai eu les larmes aux yeux. Parce que non seulement j’ai trouvé ce discours criant de vérité, mais aussi parce Bianca a osé dire tout haut ce que beaucoup de femmes dans les médias taisent. Encore récemment, une très bonne amie journaliste me confiait être terrorisée à l’idée d’avoir à annoncer sa grossesse à son employeur. Elle redoutait tellement le moment de l’annonce qu’elle a caché son état pendant des mois sous des robes amples et de longs chemisiers.
Je me suis faite rassurante en lui répétant qu’elle était très compétente et assurément fort appréciée par ses supérieurs. Quelques jours plus tard, alors qu’elle n’avait plus d’autres choix que d’annoncer la nouvelle, elle est revenue vers moi pour me dire que la réaction avait été « ordinaire ». Pas inacceptable, mais on lui avait bien fait sentir que sa maternité ne tombait pas à point et que les circonvolutions d’agenda nécessaire pour tout réorganiser suite à son départ allaient peser lourd.
Oui, en 2022, les femmes de tous les milieux ont encore des craintes par rapport à la réaction de leurs collègues et de leurs supérieurs lorsqu’elles tombent enceintes. Et ce n’est pas normal.
On parle partout de conciliation travail/famille et les employeurs, en général, se targuent d’être vraiment compréhensifs. On dit mettre tout en œuvre pour que les employés parents puissent évoluer et progresser au sein des organisations. Sauf que, quand on gratte un peu le vernis, on s’aperçoit que ce n’est pas si vrai que ça. Reste encore un fond de jugement pis surtout cette idée que c’est correct d’avoir des enfants, tant que ça ne paraît pas.
Oh, tu peux être une mère, mais rentre encore dans tes tailleurs extra small, pars pas de trop bonne heure, manque pas trop souvent, sois disponible tout le temps pis parle pas trop de ta vie de famille. De cette façon, on pourra flasher qu’on est ouvert d’esprits et modernes tout en faisant se sentir vraiment coupables les madames pis les monsieurs qui ont eu le malheur de se reproduire parce qu’ils partent à 16:30 pis ne peuvent pas aller à tous les 5 à 7.
Je reviens au discours de Bianca Gervais et de Sébastien Diaz, que j’ai trouvé d’une redoutable authenticité. Ce sont quand même des gens privilégiés. Mon amie journaliste aussi. Moi aussi. Combien de femmes n’ont pas le luxe de créer leur propre emploi, de prendre congé ou de simplement dire non à un employeur ? Beaucoup.
C’est faux de dire que le marché du travail s’est adapté aux familles.
C’est nous qui nous adaptons, et c’est souvent au détriment de notre santé mentale.
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