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Noël, c’est censé être du doux. C’est censé être un beau moment. On peut-tu essayer de ramener un peu de magie au lieu de flipper les pages de nos ententes de séparation?
Je me rappelle mon premier Noël de maman séparée. J’expérimentais toutes sortes de sentiments. D’un côté, j’avais envie d’éclater en sanglots en songeant que je ne serais pas là au moment où les petits yeux de mes enfants s’illumineraient à la vue des cadeaux déposés sous le sapin. De l’autre, je me sentais plus libre que jamais. Ça faisait combien d’années que je n’avais pas fait exactement ce que je voulais à Noël ? Des milliers, me semblait-il.
Puis, la culpabilité. La crisse de culpabilité. Je m’en voulais de penser ça. D’essayer de voir des côtés positifs à cette situation déchirante. J’étais une mauvaise mère. Fallait que je sois dévastée. Juste dévastée. Pis rien d’autre. Fallait que je porte du noir pis que j’en broie, comme une espèce de veuve du temps des fêtes endeuillé par la perte de sa famille nucléaire.
Je me suis rappelé mon premier Noël d’enfant de parents séparés. J’avais 14 ans et c’était la pire affaire. Ça s’engueulait à savoir chez qui j’allais passer le 24 et le 25 décembre, puis le jour de l’An. Ma mère pis mon père me disaient de faire ce que je voulais. Pire affaire. Je me sentais prise dans un conflit de loyauté terrible, ça fait que j’ai décidé de passer la moitié de la soirée chez l’un, puis la moitié de la soirée chez l’autre, et ce les trois dates. Moins bonne idée de la terre. J’ai fait ça une fois. Puis plus jamais. Et j’ai hais Noël des années à cause de ça.
J’en reviens à mon temps des fêtes de mère séparée. L’une des affaires les plus importantes, pour moi, c’est que mes enfants ne vivent pas le déchirement que j’ai moi-même vécu à l’adolescence. Plus facile à dire qu’à faire. Parce que, indéniablement, les enfants, à moins d’avoir des parents séparés très « modernes », devront se passer de leur papa ou de leur maman lors de certaines festivités.
Pour la plupart des enfants et des parents, Noël devient un marathon d’obligations. Que dis-je, un Iron Man d’obligations. Je dis ça parce qu’en plus de se taper tout ce qu’il faut faire pendant le temps des fêtes, c’est-à-dire aller au party de mononcle Jean-Gilles même si ça ne nous tente pas pis de faire semblant que la dinde n’est pas sèche, beaucoup de parents doivent composer avec des conflits de garde et des horaires impossibles.
Je trouve ça d’une tristesse infinie qu’en cette période bénie de l’année, un temps qui devrait être en dehors du temps, on soit régi par des contrats de garde. Je sais que, dans certaines situations, les ex-conjoints n’ont pas le choix. Mais, pensons-y deux minutes : si le bien des enfants est réellement au cœur de la relation entre les parents, les enfants ne devraient pas subir leurs caprices de Noël.
« Le 24 tu vas être là à telle heure, puis le 25 je vais les reprendre, mais en soirée. Puis tu vas revenir le 27 pour le dîner et repartir le 29 au matin pour revenir le 1er à 9 : 00 max. Pis je vais repartir le 2 avec eux autres, mais en fin d’après-midi ». Juste à lire ces mots, vous êtes essoufflés ? Alors, imaginez les enfants qui doivent subir cet horaire et trimballer leurs cadeaux et leurs valises souvent dans des villes différentes.
Pendant qu’on applique ces fameux contrats pis qu’on s’assure que le temps de garde entre les deux parents est équitablement réparti, les enfants, eux, avalent des kilomètres de route et se promènent dans plusieurs familles. Et pour satisfaire qui, dans le fond ? Certainement pas eux. On dirait que souvent, nous, les parents, on n’est pas prêts à sacrifier l’idée qu’on se fait d’un temps des fêtes en famille au profit du réel bonheur des petits.
Je sais que ce n’est pas évident. Je sais aussi que personne n’est prêt à sacrifier ces moments de bonheur précieux en famille, des moments qu’on attend toute l’année, au fond, et qui nous aide à tenir le reste du temps, pour faire plaisir à l’autre parent. Je n’ai pas de solution à proposer, et forcer les enfants à choisir avec qui ils veulent passer Noël les place dans une position délicate.
Personnellement, j’essaie de placer la quiétude et la santé mentale de mes enfants avant la mienne. J’essaie de ravaler la petite crotte que j’ai sur le cœur et de me mettre à la place de l’autre parent. Et j’essaie de me mettre à la place de mes enfants, surtout. Je me rappelle de mes 14 ans et des larmes que j’ai ravalées quand j’ai vu les yeux de ma mère déçue que je ne reste pas pour les douze coups de minuit.
Je le répète. Ce n’est pas facile et je suis loin de toujours réussir. Je roule des yeux, parfois, je soupire, aussi. Je ne suis tellement pas parfaite pis j’ai moi aussi mon idée de ce que je voudrais faire à Noël avec mes enfants et c’est certain que des fois, ils se sentent mal malgré moi.
Noël, c’est censé être du doux. C’est censé être un beau moment. Tout le monde le sait que c’est un grand mensonge pis que c’est, pour beaucoup de monde, une source d’anxiété incroyable pour toutes les raisons énumérées ci-haut, et plus encore. Mais on peut-tu se donner un gros break ? On peut-tu essayer de se donner du lousse un petit peu ? On peut tu essayer de se rappeler qu’après tout, si on fait tout ça, les mauvais coups de lutins je veux dire, les guimauves dans le chocolat chaud, les films en pyjamas l’après-midi, les lettres au Père-Noël, c’est pour eux, pas pour nous. On peut-tu essayer de ramener un peu de magie au lieu de flipper les pages de nos ententes de séparation ?
Ce serait le plus beau des cadeaux de Noël à nous faire, je trouve.