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À quel point un cancer est-il imputable à tel comportement ou à un autre ? Lucie passe sa journée à déboulonner les mythes sur le cancer et l’un des plus tenaces c’est de penser qu’adopter certains comportements nous évitera un cancer.
Pour donner suite à ma chronique de la semaine dernière et à la panique généralisée en rapport à l’étude sur la consommation d’alcool, une lectrice m’a écrit sur Instagram pour me faire part de ses inquiétudes lorsque l’actualité s’emballe sur un sujet comme celui-là.
Lucie (ce n’est pas son vrai nom) est travailleuse sociale et œuvre en psycho-oncologie. La psycho-oncologie, ce sont tous les services sociaux qui se mettent à l’œuvre lorsqu’une personne reçoit un diagnostic de cancer. Vous vous imaginez bien que lorsqu’on apprend une telle nouvelle, le corps a besoin de soins, mais la tête aussi. C’est ça qu’elle fait, Lucie. Elle essaie d’apaiser les souffrances psychiques des patients cancéreux.
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Ce qui est inquiétant à propos du rapport, mais surtout à propos de la façon dont les conclusions ont été transmises un peu partout, c’est ce lien qu’on fait avec l’alcool et le cancer. Attention, personne n’est pas en train de dire ici qu’il n’y a pas de lien à faire entre le cancer et la consommation d’alcool. Non, ce que Lucie m’a expliqué, c’est qu’elle passe sa journée à déboulonner les mythes sur le cancer et que l’un des plus tenaces c’est de penser qu’adopter certains comportements nous évitera un cancer ou favorisera une guérison.
Je vais vous donner des exemples concrets. Certains patients lisent sur internet que le cancer se nourrit du sucre qu’on ingère et croient dur comme fer qu’en coupant le sucre, ils survivront. D’autres pensent que s’ils ne sont 100 % du temps dans la pensée positive, ils diminuent leurs chances de guérison. Bien entendu, quand les résultats de ces malades-là ne sont pas positifs, que la maladie progresse, ils ont l’impression qu’ils ont raté quelque chose, qu’ils n’ont pas fait assez d’effort, comme s’ils avaient le contrôle sur la maladie.
Lucie a beaucoup de discussions avec ses patients sur ce qu’on peut contrôler réellement ou pas. Et l’une des affaires qui la préoccupe — et je suis certaine qu’elle n’est pas la seule travailleuse de la santé dans ce cas — c’est comment on utilise la connaissance (les études) et, surtout, comment on la transmet. Souvent, on se contente de donner l’info. On dit partout que « l’OMS a classé l’alcool comme substance cancérigène au même titre que le tabac et l’amiante. » On lance ça dans l’espace public pis on dit aux gens : « arrangez-vous avec ça ».
À quel point un cancer est-il imputable à tel comportement ou à un autre ? C’est très difficile à dire selon elle. Et un risque élevé, c’est quoi ? Beaucoup de facteurs modulent tout ça. Dans la plupart des trucs qu’on a pu lire sur cette fameuse étude sur l’alcool, le message est très simplifié. Selon Lucie, on devrait utiliser les conclusions de cette étude pour orienter publiquement nos décisions face à l’alcool. La pub liée à la SAQ est un exemple de ça. Mais on ne devrait pas, se servir de ces informations en matière de choix individuel. Parce qu’en ce moment, on pellette sur nos épaules un fardeau énorme.
Pour les gens qui ont un cancer, me rappelle-t-elle, ç’a un impact considérable de penser qu’ils ont une responsabilité individuelle à propos de leur état. Le sentiment de culpabilité est immense. C’est important aussi, à son sens, de contextualiser les comportements jugés à risque. Il faut développer une pensée critique par rapport à ça, comprendre pourquoi on adopte certains comportements et dans quel contexte.
Comme ça, on comprend mieux les choix qu’on fait et comment ceux-ci sont influencés par notre histoire de vie. On ne choisit pas tout ce qui nous arrive. Nous ne sommes pas des victimes, et il ne faut pas non plus complètement se déresponsabiliser, mais on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a dans le contexte où on évolue.
Rappelons-nous aussi que le simple fait de vivre est en soi un facteur de risque.
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