Chroniques

Élus à bout de souffle!

Fatigue extrême, pression insupportable, manque d’empathie... Nos élus sont à «bout de souffle», écrit notre chroniqueur Victor Henriquez.

Publié

(Montage Noovo Info)

Valérie Plante qui subit un malaise en pleine conférence de presse ou Alexandre Leduc qui utilise le mot en F… à l’Assemblée nationale. Cette semaine, deux nouveaux exemples ont illustré un malaise et une fatigue qui m’apparaît de plus en plus présente chez nos élus. 

Ces événements viennent s’ajouter à de nombreux autres tels que la pause professionnelle de la mairesse de Sherbrooke ou du maire de Trois-Rivières, la démission de la mairesse de Chapais et de celle de Petite-Vallée en Gaspésie et les menaces contre la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier. Malheureusement, il y en a plusieurs autres et il est difficile de tous les nommer.

La fatigue extrême, la pression insupportable et surtout, le manque de « douceur » et d’empathie envers eux. 

Bien sûr, plusieurs diront que «ça fait partie de la job», qu’ils «sont payés pour ça» ou qu’ils se plaignent pour rien. Pourtant, en novembre dernier, le Journal de Montréal répertorie 741 élus municipaux qui avaient démissionné depuis 2021 pour des raisons d’intimidation, de fatigue ou de menaces. 

Un horaire humainement insupportable

J’observe et je travaille avec des élus depuis mes premières expériences en politique en 1997 soit plus de 25 ans et j’ai toujours été admiratif de l’implication sans borne de ces femmes et ses hommes qui sacrifient famille, loisirs, santé et intimité pour changer les choses et améliorer notre société. Lorsque je travaillais en politique provinciale, fédérale ou municipale, je vivais aussi les journées interminables de nos élus. 

Tous les jours, le réveil sonne entre 5h et 6h du matin en moyenne. On commence la journée par une lecture complète de la revue de presse. Non pas pour s’informer comme le commun des gens, mais pour être prêts à répondre, réagir ou intervenir sur l’actualité qui concerne ses dossiers ou sa municipalité. Ensuite, très tôt, les rencontres et les obligations s’accumulent.

À Québec, on prépare la période de questions durant laquelle les ministres seront questionnés sur les sujets du jour, les dossiers en cours et, à quelques reprises, des dossiers locaux.

Dans les villes, on a, une fois par mois, un conseil municipal qui dure plusieurs heures et qui se déroule le soir pour que les citoyens y aient accès. À cela viennent s’ajouter les annonces, les rencontres de gestion et de breffage, les commissions parlementaires ou municipales ainsi que les événements avec les groupes communautaires, les milieux d’affaires et les citoyens.

Si quelques fois, les élus ont eu le temps de dîner lors d’un événement, ils vont manger un sandwich, une soupe ou une salade en lisant des dossiers dans la très grande majorité du temps.

Alors que la fin de la journée permet aux travailleuses et travailleurs de prendre du temps en famille ou pour se reposer, les élus sont souvent présents lors de rencontres citoyennes ou d’événements durant lesquels ils peuvent prendre le pouls de leur population. Je ne me souviens pas d’avoir fini de travailler à 17h lorsque j’étais en politique, 19h c’était tôt, 20h plus fréquent et 22h ça arrivait trop souvent. 

Je ne parle même pas des vacances interrompues, des anniversaires manqués et des congés de maternité ou de paternité totalement inexistants dans la très grande majorité des cas.

Le respect en échange

Bien entendu, c’est un choix d’aller en politique. Les sceptiques disent que c’est le choix du pouvoir, moi je dis plutôt que c’est le choix de l’engagement ultime. D’ailleurs, je ne pense pas que le pouvoir seul est une motivation suffisante pour le sacrifice que cela représente.

Pour la très grande majorité de ceux et celles que j’ai rencontrés, tous partis et allégeances confondus, la motivation principale est le pouvoir de changer les choses, de contribuer à l’avancement, à la réussite et à l’amélioration de la vie des citoyennes et des citoyens. 

Mais comment rester motivés quand ces mêmes citoyennes et citoyens vous insultent, vous menacent ou vous accusent d’être opportunistes, profiteurs ou mal intentionnés? Où trouver son énergie quand on est indifférent envers nos élus et que l’on oublie qu’ils ont des familles, des amis, des loisirs et des passions auxquels ils n’accordent plus de temps pour gérer nos institutions?

On n’est pas obligés d’admirer nos élu.e.s, mais le minimum est de les respecter.

Les réseaux sociaux sont devenus un problème

Vous souvenez-vous des premiers politiciens qui ont fait leurs armes sur les réseaux sociaux? Moi, je me souviens des campagnes de Barack Obama ou de Denis Coderre qui commentait les matchs du Canadien sur Twitter. Je repense surtout à ce sentiment de proximité que nous donnait le fait de suivre un élu, de commenter ses statuts et d’avoir des réponses de sa part.

C’était un outil fantastique pour faire campagne, pour informer les gens directement et pour sentir le pouls de sa population. Malheureusement, ce n’est plus ça. Les réseaux sociaux sont devenus un outil de menaces, d’insultes et d’exutoire émotif. Plusieurs y réagissent sans réfléchir et en traitant nos élus d’une façon qui nous serait tous inacceptable dans un milieu de travail.

Aujourd’hui, si j’avais un conseil à donner à un élu qui entre en politique en 2023, ce serait de retirer ses comptes de réseaux sociaux de son cellulaire et de les consulter le moins possible. Je ne leur dirais pas de les fermer, car il y a encore une majorité de la population qui peut bénéficier de l’outil informatif, mais les élus doivent se protéger de la bassesse de trop de commentaires sur ces réseaux.

Si les élus travaillent pour nous, on peut se poser la question si nous sommes un bon employeur. La réponse est évidente. Si un collègue ou un patron nous traitait comme nous traitons nos élus, on démissionnerait et on porterait plainte pour harcèlement. Si on nous demandait de faire les horaires qu’ils font, on risquerait tous de se retrouver en épuisement. 

Le feriez-vous? Moi je le faisais comme conseiller dans la vingtaine, sans enfants et avec des obligations personnelles plutôt limitées. Je vous avoue qu’aujourd’hui, je serais incapable de faire les sacrifices qu’ils font. On ne peut pas changer les obligations relatives à la fonction ou la pression qui vient avec leurs responsabilités.

Cependant, on peut certainement les traiter avec plus de respect, plus d’empathie et plus de douceur. Ça ne changera pas la situation pour tous, mais ça nous permettra certainement de rendre la politique plus attrayante pour des hommes et des femmes qui veulent contribuer, mais qui veulent aussi avoir un équilibre de vie.

Peu importe les salaires, il me semble que tous doivent avoir droit à ça dans leur milieu de travail. Pour finir, bravo et merci à ceux qui font ce travail aujourd’hui et surtout, prenez soin de vous!