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Nous en avons fini avec la pandémie ! Ce n’est pas moi qui l’ai dit, mais le premier ministre Doug Ford : « We are done with it ».
Nous en avons fini avec la pandémie ! Ce n’est pas moi qui l’ai dit, mais le premier ministre Doug Ford : « We are done with it ». Alors ça doit être vrai, non ? Et la fin de la pandémie, c’est vraiment formidable, non ? Parce que tout le monde le sait, on en a plus que marre des effets du virus de la COVID-19, vous comme moi. Le mouvement est mondial : à peu près partout, on chante la même chanson.
Enfin! On pourra retourner à la vie normale ! Les satanées mesures sanitaires seront chose du passé. Les hôpitaux reprendront leurs activités habituelles. On cessera de faire le décompte les cas à l’ouverture des bulletins de nouvelles ! Et surtout, de vrais spectateurs pourront assister à la remontée du Canadien qui n’en perdra plus une et se retrouvera de nouveau en finale ! Rien de moins. Enfin, la normalité, quoi.
Ouais, pas sûr de tout ça.
Je dois être bizarrement fait, mais je ne partage pas cet enthousiasme débridé, qu’il faut peut-être tempérer par un peu de réalité. Avant tout, contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne suffit pas de penser que la pandémie est terminée pour qu’elle le soit vraiment même si tous en ont le goût. C’est que la réalité ne fonctionne pas tout à fait comme cela.
Les virus, pour autant qu’on sache, ne lisent pas les manchettes des journaux, n’écoutent pas les téléjournaux, ne portent pas de masque, n’ont pas d’équipe de hockey favorite ni de programme politique et ne savent même pas c’est quoi, la normalité. Ils sont juste conçus pour se propager d’une personne à l’autre, contourner les défenses immunitaires, entrer dans les cellules, s’y reproduire et causer des dommages, puis répéter le cycle. Ah oui, rien n’est parfait : ils mutent assez souvent.
Je parie que s’ils pouvaient réfléchir à la situation, ils seraient solidaires de notre bonheur à voir les mesures sanitaires ainsi relâchées. Que dis-je, ils en seraient même reconnaissants, parce que si c’est une bonne nouvelle pour nous, c’en est encore une bien meilleure pour eux. Ils ont peut-être fait un petit meeting stratégique, qui sait, pour planifier la suite des choses : ils pourront relâcher aussi les mesures, « slaquer » les mutations et prendre le temps d’aller voir des matchs puisque leur travail sera facilité.
En tout cas, il semble que les virus n’ont pas reçu le message concernant la fin de la pandémie, parce qu’ils semblent travailler encore fort. À tous les jours, on diagnostique près de 2 millions de cas (sans compter tous les cas qu'on ne peut répertorier), plus que durant chacun des 24 premiers mois de la pandémie.
Juste au Québec, malgré la baisse des dépistages PCR dans la population, on dénombre plus de cas par jour que dans toutes les phases de la pandémie jusqu’ici. Les hospitalisations ? Elles sont tout juste en train de redescendre vers… le sommet de mai 2020, malgré un assez bon taux de vaccination (il manque toutefois de 3e doses). Je sais bien qu’il y a à l’hôpital, grosso modo, à peu près la moitié de cas « avec » plutôt « qu’à cause de » la COVID-19, reste que ça fait pas mal de malades infectés.
Ah oui, il s’agit d’Omicron, un virus que l’on dit moins virulent et qui, dans le contexte d’une population plutôt bien vaccinée comme la nôtre, présente un risque individuel comparable à celui de la grippe quant aux décès. Sauf que venant avec un nombre très largement supérieur de cas, il pointe vers un bilan nettement plus dramatique.
On me sert encore souvent l’exemple de janvier 2015 pour montrer à quel point la grippe peut frapper fort, habituellement en citant mal les données : on me parle de 226 décès par jour dus à la grippe, alors que la vraie donnée n’est pas 226, mais bien 22 par jour. Dix fois moins. Juste pour comparer, il y a eu en janvier de cette année 51 décès par jour dus à la COVID-19, soit 2,3 fois plus que le pire mois de grippe en 2015…
Ah oui, j’oubliais, si la pandémie est terminée, il faut savoir que BA.2, le petit frère d’Omicron BA.1 qui a décidé de passer ses vacances d’hiver au Québec, s’est invité lui aussi pour la suite des choses. Apparemment, il prend de plus en plus de place et il est environ 33 % plus contagieux que son aîné. Que ça. Lui non plus n’a pas reçu le mémo de fin de la pandémie faut croire.
Les patients infectés par Omicron occupent encore 1 lit sur 9 à l’hôpital, ce qui est beaucoup, même si plusieurs de ces cas sont des « avec » et non « à cause de ». Et surtout, 1 lit sur 10 aux soins intensifs sont occupés par des patients où la majorité des diagnostics sont « à cause de ». Le tout n’est qu’en lente décroissance.
Mais voilà « We are done with it » comme on dit, on retourne à la normalité, on retire peu à peu toutes les mesures et on reprend notre vie normale de tous les jours, advienne que pourra.
Tiens ? Une idée : « Advienne que pourra » ferait un bon slogan pour remplacer « Ça va bien aller », non ?
Il ne faut pas se compter d’histoire : si les cas augmentent de nouveau, par exemple avec l’effet BA.2 ou le relâchement des mesures, les hospitalisations et les cas de soins intensifs repartiront vers le haut. Comme c’est arrivé chaque fois depuis 2 ans, lorsque qu'était annoncé un peu trop tôt quelque chose qui ressemblait à la « fin de la pandémie ».
Avec la circulation actuelle du virus, qui s’atténue aussi (bien qu’on manque de données publiques pour l’affirmer. Et qu’elle monte rapidement dans certains pays tels le Danemark), les impacts en mortalité vont demeurer élevés. Juste pour donner une idée : hier, 23 décès ont été attribués à la COVID-19. Sur une base annuelle, cela représente 8395 décès ou encore 1 décès sur 8 au total. C’est beaucoup pour une seule maladie.
Même des « détails » comme le retrait du passeport vaccinal auront des impacts incertains. Sur les cas ? On ne sait pas trop, il est difficile d’évaluer l’efficacité isolée de cette mesure. Mais fort probablement sur le risque perçu (et sans doute réel) par les personnes plus vulnérables, plus âgées, immunosupprimées par exemple (ce qui est bien plus fréquent qu’on le pense), alors qu’elles n’ont pas choisi leur état.
Près de la moitié des 4438 personnes qui ont répondu à mon petit sondage sur Twitter (sans prétention scientifique) le pensent aussi. Mais bon, apparemment, même si la pandémie est encore là, on juge qu’il n’est pas nécessaire de tenir compte de leur opinion, dans ce grand mouvement de retour à la « normale ».
Le passeport vaccinal sera sous peu suspendu. Pour ceux et celles qui ont un passeport, quel est votre degré de confort personnel, pour votre vie et vos sorties de tous les jours, avec ce retrait ? Je suis curieux.
— Alain Vadeboncoeur (@Vadeboncoeur_Al) February 16, 2022
Version 2, sans prétention scientifique
Je comprends tout à fait la volonté de mettre la pandémie « derrière nous » et de passer à autre chose, c’est humain. Sauf que dans les faits, même si on le souhaite fort, ce n’est pas encore le cas. Il faut accepter que notre volonté (une volonté universelle, je le rappelle) de retour à la « normale » va nécessairement avoir certaines conséquences, dont on doit être conscient.
Rien ne nous empêche de décider que ça en vaut la peine, parce que clairement, le déconfinement comporte d’indéniables avantages, je n’ai aucun doute là-dessus. On peut juger que le port du masque dans les lieux publics est pire que des hospitalisations et des décès et sur bien d’autres points.
Mais il faut savoir au moins de quoi il en retourne pour prendre une décision éclairée sur ce genre de sujets. Combien de décès de plus sommes-nous prêts à accepter pour revenir à la normale ? C’est une vraie question. Une fois qu’on a choisi, on peut bien y aller, en étant conscient des effets réels.
Bref, je ne veux surtout pas casser le party, mais j’ai comme l’impression que notre retour à la « normale » ressemblera davantage à un grand retour… vers l’anormalité et que l’avenir risque de nous réserver encore des surprises, pas nécessairement réjouissantes. Ainsi va la vie — ou en tout cas, la pandémie.