Début du contenu principal.
«J’aime la nostalgie. J’adore me souvenir. Retourner dans mon sac à moments de vie.»
Vous commencez à me connaître en me lisant ici ou sur les réseaux sociaux. J’aime la nostalgie. J’adore me souvenir. Retourner dans mon sac à moments de vie.
Je ne sais pas si vous faites ça, mais parfois, j’aime me rappeler une anecdote de mon passé, mais en le regardant avec mes yeux d’adulte et mon bagage de vie d’aujourd’hui. Pas pour juger ce moment, mais simplement pour y apporter un éclairage nouveau. Pour mieux comprendre ma réaction à ce moment-là et aussi, celles des autres. Rien pour sortir un autre livre de psychopop, ne vous inquiétez pas.
Nous sommes en plein dans la rentrée scolaire et avant-hier, je me suis remis à penser à mes propres retour à l’école au primaire. Et je me suis souvenu de l’épisode « cahier Canada » de ma quatrième année. Rien qui aurait pu faire les manchettes du Noovo 17 h, mais tout de même. Comme chaque année, avec ma mère, on était allé chez Woolco pour faire les achats de mes effets scolaires qui se retrouvaient sur ma liste. Une liste en papier que l’on avait reçue par la poste en juillet. Bienvenue dans les années 80.
Sur la liste, entre un pot de colle blanche Lepage et une flûte à bec en plastique, on pouvait lire : 4 cahiers CANADA de 4 couleurs DIFFÉRENTES. Ma mère avait pris un emballage de quatre cahiers Canada de différentes couleurs dans ses mains et elle allait le mettre dans notre panier quand son regard était tombé sur un autre emballage contenant quatre cahiers totalement identiques, mais pas Canada. C’est-à-dire que sur la couverture, il n’y avait rien d’inscrit. RIEN !
C’était la version sans nom des cahiers Canada. Le prix ? 1,44 $ pour les quatre. Une redoutable aubaine envoyée par la déesse des effets scolaires. Ma mère prit donc les « sans nom » au lieu des classiques Canada. En petit premier de classe que j’étais, je me suis dépêché de rappeler à ma mère que ce n’était PAS des cahiers Canada, approuvés par le Canada. Rien à faire. Le 1,44 $ avait plus de poids que mon avis de jeune élite du primaire.
Cette année-là, je fis donc ma rentrée scolaire avec mes quatre cahiers « John Doe ». Je ne sais pas si ça se fait encore, mais dans mon temps, la maîtresse (le mot professeur n’avait pas encore été inventé) faisait le tour des pupitres pour vérifier notre matériel. Je me souviens encore de la voir prendre un de mes cahiers pas Canada et de le scruter à la loupe. Un peu comme si c’était une anomalie.
Elle avait posé son regard sur moi. Je pouvais voir un brin de jugement derrière ses lunettes de chez Sears. Et elle avait annoncé bien fort : ce ne sont PAS des cahiers Canada, mais comme l’intérieur est pareil, ça va être correct pour cette fois. Je voulais me décomposer de gêne. Surtout que j’avais entendu des petits gloussements de rire autour de moi. Dans ma tête, c’était l’équivalent d’avoir la lèpre. J’avais la lèpre du cahier Canada. Je ne voulais pas que mes amis se moquent de moi à cause de ça. Ce n’est pas arrivé, mais c’était trop tard, j’avais le traumatisme du cahier à 1,44 $. J’en ai beaucoup voulu à mère. Pour économiser un peu, elle m’avait mis dans une situation difficile, voire insurmontable.
Bien sûr, avec mon regard d’aujourd’hui, c’est totalement anodin et sans aucune conséquence. Ça me fait rire de repenser à mon état de détresse pour un cahier sans nom. Mais surtout, ce que je ne comprenais pas à l’époque, c’est que ma mère, une maman monoparentale, faisait parfois des galipettes pour entrer dans son budget. Et encore plus en début d’année scolaire.
Elle avait vu l’opportunité de sauver quelques sous qu’elle mettrait assurément ailleurs. La déesse de l’économie familiale avait mis un rabais sur sa route. Moi, je voyais un cahier non conforme, mais ma mère y voyait une victoire sur la bourse scolaire. C’est peut-être grâce à ce cahier pas Canada que j’ai eu droit à non pas un, mais deux cols roulés bruns. En fait, un brun et brun pâle.
Alors, soyons indulgents dans nos remarques et nos regards envers nos petits et moyens grands qui n’ont pas le dernier sac à dos en vogue. Qui n’ont pas toujours le col roulé brun de la marque la plus hot. C’est à nous, comme adulte, de leur montrer que ce n’est pas la fin du monde tout ça.
Et les parents, soyez doux avec vous. On le sait que vous faites votre gros maximum. Et rappelez-vous qu’on réussit à faire ben des affaires, même si ce n’est pas à la fine pointe de 2024.
La preuve, je me débrouille pas pire encore aujourd’hui, même après l’épisode des cahiers pas Canada.