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«On le sait qu’être parent, c’est un job difficile.»
À bout de souffle, stressés, inquiets, en manque de support et de ressources, les parents ont une santé mentale vacillante, voire défaillante. Et c’est un enjeu de santé publique.
C’est ce qui se dégage d’un rapport de trente-six pages déposé il y a dix jours par le bureau américain de la santé publique. Sous le titre «Parents under pressure» (Parents sous pression), l’un des grands responsables de la santé publique aux États-Unis, Vivek Murthy, brosse un portrait alarmant de l’état des parents à coups de statistiques, d’études, de sondages et d’analyses.
On parle d’un travail exhaustif et d’une réflexion poussée, faite par un expert.
Ce qui en ressort?
D’abord, le grand stress vécu par les parents (on parle de parents d’enfants âgés de 0 et 17 ans) : ils sont 48 % à déclarer vivre quotidiennement sous un stress écrasant alors que cette proportion est de 36 % dans la population en général.
Les principales causes de stress varient selon l’âge et la phase de développement des enfants. Durant la période de la petite enfance, le sommeil, les rôles parentaux et la conciliation travail-famille sont des préoccupations pour les parents. Dans la phase de l’enfance, ce sont plutôt la gestion des émotions des enfants, la vie sociale, les transitions physiques et cognitives qui sont source d’inquiétudes.
Et les parents d’adolescents sont particulièrement stressés par la volonté d’indépendance de leurs enfants, leurs tendances à adopter des comportements risqués et l’influence des amis.
Ajoutez à cela d’autres éléments de stress liés aux rôles de parents comme les soucis financiers (66 % se disent inquiets de ne pas arriver, comparativement à 39 % dans la population), l’instabilité économique ambiante, le manque de temps, les tracas vis-à-vis la santé et la sécurité des enfants, doublés de la solitude vécue par plusieurs (65 % des parents se disent seuls) — et l’isolement (42 % disent se sentir rejetés ou laissés de côté).
Et c’est sans parler de la gestion des écrans, le grand défi éducationnel de notre époque !
Près de 75 % des parents se disent « extrêmement inquiets » de la santé mentale de leurs enfants, ce qui inclut l’anxiété ressentie par ceux-ci, stipule le rapport. Les parents eux-mêmes parlent de leurs propres enjeux de santé mentale : cela concernerait 25 % d’entre eux.
Tous ces éléments combinés ont un impact important : ils affectent les enfants. En effet, si les parents sont déstabilisés, préoccupés, inquiets, s’ils courent du matin au soir et se couchent malheureux et stressés, eh bien, cela a un effet néfaste sur les enfants.
Le rapport fait un lien direct entre le bien-être de ceux qui prennent soin et l’état de santé de ceux qui reçoivent ces soins…
En ce sens, le document rapporte d’autres statistiques effarantes : si le parent ne va pas bien, l’enfant a quatre fois plus de risques d’être en moins bonne santé et il s’expose deux fois plus à développer des problèmes de santé mentale (que ce soit du côté de ses comportements, de son développement, de son cheminement académique, de ses facultés cognitives ou de ses relations interpersonnelles).
On le sait qu’être parent, c’est un job difficile. C’est le plus satisfaisant… et le plus compliqué. L’adage comme quoi « ça ne vient pas avec un manuel d’instructions » est bien vrai.
Je crois qu’une vaste majorité de parents font du mieux qu’ils le peuvent.
Personnellement, j’aime appliquer la règle du « good enough parent » (traduction libre : le parent « juste assez »). Cette théorie du pédiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott signifie qu’on doit chercher un certain équilibre, une balance : faire de son mieux et essayer d’être à son meilleur 70 % du temps, et lâcher prise et accepter une perte de contrôle 30 % du temps.
Bref, on lâche le modèle de la perfection et on cesse de performer sa parentalité !
Parmi les autres pistes de solutions, il y a la mise en place de plus de politiques publiques qui touchent les familles, à la fois dans le monde de la santé, de l’éducation et de la sécurité. Déployer de meilleures infrastructures pour les familles, je pense aux loisirs par exemple. Cela favorise l’esprit de communauté et brise l’isolement, si cruel.
L’accès à des ressources est aussi crucial : des places supplémentaires en garderie à tarifs réduits, par exemple. Et plus de facilité à prendre des rendez-vous chez les spécialistes pour enfants (orthophonie, ergothérapie, éducation spécialisée, psychoéducation, etc.).
Et si les employeurs étaient davantage sensibilisés aux enjeux des parents, s’ils rendaient disponibles des mesures mieux adaptées de conciliation travail-famille, cela serait aussi un pas en avant. Les gestionnaires doivent être mieux formés, plus compréhensifs, ouverts et flexibles.
J’aimerais aussi qu’on s’écoute davantage entre nous… et que les relevailles, ce réseau de soutien continu et fiable, soient assurées par la société.
Avec bienveillance, entraide, solidarité — et sans jugement.
Les parents seraient alors assurément un peu moins sous pression.
*Pour consulter le rapport (en anglais): Parents under pressure