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Une campagne de boycottage efficace agit comme un grain de sable dans l’engrenage du capitalisme.
Depuis l’annonce des représailles tarifaires contre le Canada par le président Donald Trump, les appels au boycottage de produits et services américains se multiplient. Chacun y va de sa liste la plus exhaustive possible des articles à éviter. Mais au fond, un boycottage est-il réellement efficace?
Quelles sont les campagnes de boycottage qui ont véritablement atteint leur objectif, soit en contraignant une entreprise, une multinationale ou même un pays à faire marche arrière?
Bien sûr, les économistes de salon s’empressent de nous démontrer, chiffres et graphiques à l’appui, que l’impact d’une telle démarche est souvent dérisoire. Et en grande partie, sans doute ont-ils raison.
On dit qu’un boycottage a plus de chances de réussir s’il est bien organisé, largement relayé par les médias et les réseaux sociaux, et s’il touche directement les profits de l’entreprise visée. L’opinion publique, la constance du mouvement et la pression économique jouent un rôle clé.
Soit. Mais en dehors de l’effet amplificateur des réseaux sociaux, cette définition correspond parfaitement au «succès » du boycottage de Cadbury au Québec dans les années 1970. Les plus âgés d’entre nous s’en souviendront, ce fut un franc succès. Il existe encore plusieurs personnes qui refusent d’acheter leurs produits. Mais soyons honnêtes: cela a-t-il réellement fait plier Cadbury? Ont-ils rouvert leur usine québécoise, fermée brutalement à la suite de l’élection du Parti québécois?
Non. Cadbury existe toujours et se porte très bien. Pourtant, depuis ce boycottage, j’ai à peine touché à un produit Cadbury. Je m’y refuse.
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Le boycottage de Nestlé dans les années 1970 ou celui de Nike dans les années 1990 ont sans doute contribué à faire évoluer leurs pratiques, mais sans bouleverser leur modèle. Uber en 2016-2017? Danone en 2001? Les raisins de table de Californie? Même constat. Ces campagnes ont nécessité des années d’efforts pour obtenir des résultats mitigés. Perso, je me refuse d’ailleurs d’installer l’application Uber.
Alors, le boycottage est-il efficace? Uber est-elle en faillite? Disons plutôt qu’une campagne de boycottage efficace agit comme un grain de sable dans l’engrenage du capitalisme. Voyons-le plutôt comme un instrument de résistance.
Plusieurs feront valoir le succès des campagnes de boycottage contre les politiques étatisées de ségrégation de l’Afrique du Sud. Soit, mais soyons réaliste : il a fallu des années avant que le gouvernement raciste de l’Afrique du Sud mette fin à cette politique. Rappelons que les lois de l’apartheid ont été mises en place par l’Afrique du Sud à la fin des années 1940. Les premières campagnes de boycottage datent des années 1960. Mandela a été emprisonné en 1962. Ce n’est qu’en 1990 que Mandela est libéré de sa prison. Et c’est en en 1991 que l’Afrique du Sud a enfin mis fin à sa politique étatisée de ségrégation raciale. Donc, plus de 30 ans de boycottage par-dessus boycottage. Mais le grain de sable a fini par dérégler les engrenages de la machine raciste.
Alors, à quoi sert le boycottage? Selon moi, il a trois fonctions essentielles :
Bref, le boycottage ne renverse pas les géants, mais il donne du sens à nos choix. À mes choix. C’est tout. Pour vous, c’est peut-être autre chose. Soit.
Mais dans le cas actuel, celui qui préoccupe la population canadienne, que cela ne nous empêche surtout pas de revoir nos habitudes de consommation. Boycottons pour ne pas se soumettre à l’intimidateur de service, mais surtout boycottons pour encourager les nôtres.
Et après tout, acheter, c’est voter, disait-elle ?