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«Face au monopole de la parole et des finances de la bourgeoisie, je n’ai pas d’autres armes que mon corps et mon intégrité»: dans une lettre publiée dans le média français Télérama le 9 mai dernier, Adèle Haenel annonce quitter l’industrie du cinéma.
«Face au monopole de la parole et des finances de la bourgeoisie, je n’ai pas d’autres armes que mon corps et mon intégrité. De la cancel culture au sens premier : vous avez l’argent, la force et toute la gloire, vous vous en gargarisez, mais vous ne m’aurez pas comme spectatrice. Je vous annule de mon monde.»
Les mots précédents sont ceux de l’actrice française Adèle Haenel dont il faut souligner le courage immense.
Dans une lettre publiée dans le média français Télérama le 9 mai dernier, elle annonce quitter l’industrie du cinéma. D’une part, en raison de la «complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels», mais aussi, en raison de «la manière dont ce milieu collabore avec l’ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu’il est».
Rappelons que celle qui tenait l’un des rôles principaux dans le film Portrait de la jeune fille en feu avait une brillante carrière avec de nombreux prix et nominations prestigieuses notamment aux Césars. Haenel avait aussi reçu le Prix Lumière de la révélation féminine en 2012.
L’actrice n’en est pas à ses premières prises de positions politiques.
En 2019, elle avait dénoncé dans les pages de Médiapart les violences sexuelles qu’elle affirme avoir subies de la part du réalisateur Christophe Ruggia, aujourd’hui âgé de 58 ans, lors de la préparation et du tournage du film Les Diables ainsi que lors de plusieurs festivals internationaux. Haenel était alors âgée entre 12 à 15 ans.
En 2020, elle avait quitté la cérémonie des Césars en criant «Quelle honte !» et «Bravo la pédophilie !» lorsque Roman Polanski avait gagné le prix du meilleur réalisateur pour son film J’accuse. Polanski a été arrêté en 1977, alors qu’il était âgé de 43 ans, pour avoir violé et drogué une jeune fille de 13 ans. Pour avoir l’abandon de certains chefs d’accusation contre lui, il plaida coupable pour rapports sexuels illégaux avec une mineure. Il sera condamné pour 90 jours de détention, dont il ne purgera qu’une partie seulement. D’autres accusations de violences sexuelles contre Polanski ont émergé au cours des dernières années.
La sortie d’Hanael aux Césars avait fait le tour du monde et avait inspiré une tribune ayant beaucoup circulé de la romancière Virginie Despentes dans les pages de Libération intitulée Désormais, on se lève et on se barre. Hanael a également pris position contre la controversée «réforme des retraites» adoptée par le gouvernement d’Emmanuel Macron ayant généré d’immenses manifestations en France cette année.
L’affaire Polanski n’est que l’arbre qui cache la forêt. Pas plus tard que cette année, Médiapart a révélé, après d’une enquête journalistique de plusieurs mois, que 13 femmes accusent l’acteur français Gérard Depardieu de violences sexuelles, et ce, entre 2004 et 2022, accusations que le principal intéressé nie en bloc.
Rares sont les artistes qui acceptent d’abandonner leurs privilèges, de sacrifier leur carrière et leur gagne-pain pour dénoncer les violences sexuelles, leur aspect endémique et la culture de banalisation qui les entourent (ce qu’on appelle la culture du viol). Prendre ce type de position sur la place publique vient toujours avec un prix à payer : celui d’être perçue comme une fautrice de troubles qui devrait être persona non grata.
Lorsque le cœur et l’âme ne sont plus en cohérence avec ce que l’on fait et ce que l’on dit, c’est aussi une forme d’aliénation qu’il peut être difficile de nommer et d’admettre aux yeux et au su de tous et toutes. Or, pour Hanael, il apparaît évident que cette incohérence, voire cette mascarade, devenait de plus en plus difficile à supporter. À cela, je ne peux que dire bravo pour l’intégrité. Des gens avec du pouvoir et de l’influence et qui devraient prendre exemple sur elle et sur son courage, il nous en faudrait beaucoup plus, incluant chez nous, au Québec.